“Première personne du singulier”, une autobiographie fantasmée

Titre : Première personne du singulier
Auteur : Haruki Murakami
Editions : 10/18
Date de parution : 5 janvier 2023
Genre : Nouvelles

Le plus célèbre romancier japonais contemporain a encore frappé, et cette fois la victime est un « je ». Écrit par Haruki Murakami, à la première personne du singulier, plane sur cette compilation de brèves nouvelles, le doute de l’autobiographie. Une invitation mensongère, la vente d’un disque qui n’a jamais existé, la rencontre avec une amoureuse du Carnaval de Schubert qui cache son vrai visage derrière un masque. Est-ce la vie, aussi étrange soit-elle, de l’écrivain qui est capturée et mise en page ? Jusqu’à sa conversation avec un singe qui masse des dos et vole le nom de celle qu’il aime, on pourrait encore y croire. Ou du moins on aime y croire, à la fantaisie d’une vie susceptible de nourrir toute une œuvre littéraire. D’autant que le je ne cesse de rappeler sa profession ; écrivain. Déconcertant.

Lire Murakami, c’est être surpris. Être surpris par la composition d’une mélodie qui nous est, pourtant, étrangement familière. L’auteur mélomane continue de consolider les fondations d’un univers qui lui a valu son succès, un univers fantasmagorique porté par une plume franche et délicate, que Le Monde qualifie d’écriture faussement simpliste, cachant une architecture narrative complexe. Mais pour autant, il ne s’affranchit pas du pouvoir d’émerveillement qu’il exerce sur ses lecteurs. Chaque livre, chaque histoire est la partition d’une musique surréaliste qu’un orchestre de personnages intrigants interprète avec élégance.

Si certains récits semblent peu probables, d’autres tirent leur caractère surprenant de la capacité que possède l’auteur de se fasciner pour ce qui l’entoure. De ce que certains auraient pris pour les élucubrations d’un vieillard fou, ne méritant même pas leur attention, Murakami fait une nouvelle. Il accorde également une dizaine de pages à une équipe de baseball de seconde zone. À travers les huit histoires qui composent ce livre, on retrouvera des thèmes récurrents parmi lesquels son amour pour la musique et les femmes –  figure souvent centrale dans les livres de l’auteur qui a déjà fait l’objet de critiques féministes. Pour ne pas changer, il y a dans son écriture, une sorte de nonchalance agréable. Tout est lent, presque à l’arrêt. Rien ne semble vraiment important comme s’il était possible de mettre plusieurs vies dans une vie, comme si l’existence était une cocotte en papier dont les combinaisons se déclineraient à l’infini. Mais pour ceux qui ne connaissent pas encore bien l’auteur, Première personne du singulier n’est peut-être pas son meilleur.