Pink Boys & Old Ladies, à la Balsamine jusqu’au 5 octobre

De Marie Henry. Mise en scène de Clément Thirion. Avec Gwen Berrou, Lucas Meister, Clément Thirion, Simon Thomas, Mélodie Valemberg, Mélanie Zucconi. Du 28 au 30 septembre 2019 à la Balsamine

Normand est un enfant qui adore s’habiller en rose et aller à l’école en faisant des pirouettes avec ses jupes qui tournent. Cela crée un ensemble de tensions dans sa famille et engendre des réactions différentes : sa grand-mère propose de lui donner des hormones, sa mère voudrait lui ouvrir la tête pour voir ce qui ne va pas, son père décide de faire comme lui et de l’accompagner à l’école en robe. Inspiré d’un fait divers, Pink Boys & Old Ladies ouvre la saison de la Balsamine en proposant un portrait corrosif d’une famille où il est difficile de trouver sa propre identité. Clément Thirion met en scène un texte de Marie Henry qui traite la question de la différence, de la recherche de sa propre identité au sein d’un groupe social (une famille, par exemple) qui essaie sans cesse de mettre les autres dans des cases.

Six personnages arpentent la scène en enchainant des répliques au rythme assez serré. Ils mélangent leurs pensées et leurs mots aux directives de mise en scène pour les comédiens et à des phrases essentiellement descriptives, dites pour contextualiser les scènes qui ont lieu dans un espace vide. Ils jouent sur une intéressante forme de distanciation entre les comédiens et leurs personnages. Mère, Père, Grand(s)-mère(s), Tante et Normand partagent entre eux l’espace presque totalement libre de la scène qui se transforme au fil de la narration. C’est ainsi qu’on passe de la cuisine au salon de la grand-mère maternelle, au salon de la grand-mère paternelle à… un espace indéfini, qui ne porte pas de nom. C’est là où on se cherche soi-même, dans cet entre-deux où il n’y a pas de définition possible.

Tout le spectacle est construit sur une ironie très crue. Le texte, volontairement dépourvu de tout message moral suggère une critique des stéréotypes et des cases dans lesquelles on a trop souvent l’habitude de mettre les autres ou d’être mis par les autres. Entre phrases délibérément primitives et commentaires maladroits, on est plongé dans un univers intime et caustique qui peut déranger. C’est le parti pris de la pièce, comme son auteure le dit, de réveiller toutes nos contradictions et de « bousculer les certitudes pour traduire que sur ce sujet, il n’y a pas grand-chose à penser ». Il faut être au jeu, et ce n’est pas toujours simple. Le choix d’un jeu d’acteur particulier, en plus, n’aide pas. Entre le grotesque et le caricatural, l’interprétation des comédiens est cohérente avec l’esthétique des personnages même si par moments ça devient frénétique et excessivement crié.

Peut-être que cette difficulté dépend aussi des attentes du spectateur : la question du genre qui est le sujet mis en avant lors de la présentation du projet, n’est en réalité qu’un des sujets du spectacle, et encore, pas vraiment le principal. Ça semble plutôt un prétexte, surement intéressant, pour parler des non-dits au sein de la famille ou de la question controversée des différences (au sens large) à l’époque contemporaine.

A propos Elisa De Angelis 55 Articles
Journaliste du Suricate Magazine