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    Phèdre ! Un exercice d’admiration

    L’art est l’occasion de rencontres. De rencontres non point d’abord avec des artistes, mais avec des œuvres, par lesquelles, pour autant qu’une alchimie ait lieu, l’homme découvre une joie d’être. Phèdre ! est un exercice d’admiration : le témoignage joyeux d’un acteur/orateur sur un chef d’œuvre de l’âge classique, soit Phèdre de Jean Racine. Du moins, c’est ainsi que ce seul en scène est présenté.

    La tragédie racinienne est montrée, ici, sous l’angle de la comédie, voire transformée par le truchement de la parodie – l’acteur incarne, tour à tour, à travers un jeu chaque fois stéréotypé, l’ensemble des dramatis personae – et du calembour – dont le surnombre, quoiqu’assumé, peut harasser et forger un sous-rire accablé. Sur une scène à peine décorée qui requiert l’imagination des spectateurs pour rendre possible une pérégrination vers l’antique Trézène, Romain, en orateur enthousiaste, se plaît, dans une optique didactique, à nous donner accès à la pièce qu’il admire. C’est ainsi qu’en guise de préliminaire à l’exploration de Phèdre, il aborde, entre autres, son arrière-plan mythologique. Mais, foncièrement, un certain embarras est promptement suscité, qui tient à l’usage immodéré d’un rire cordicole au diapason d’une époque pour laquelle la dilution de l’élément mythologique dans cedit rire semble devenue un impératif catégorique. En outre, l’érudition, dont il est fait montre, se limite aux acquis de l’enseignement secondaire : en sus des rudiments de la mythologie gréco-romaine, l’orateur glose sur la règle des trois unités, sur l’alexandrin et l’hémistiche : on s’arrête à ce dénominateur culturel commun sur lequel on prend appui, cependant qu’on ne s’élève point outre – fors si l’admiration est un au-delà et, en un sens, elle l’est, qui nous met en relation avec le plus secret de nous-même (Maurice Zundel). Néanmoins, l’admiration, quoique bellement exprimée sur le plan formel par le jeu des digressions catalysées par l’âme enthousiaste – prompte, du fait de la joie, laquelle ne peut jamais se fixer en particulier, à déborder à l’infini –, ne s’applique qu’à ce qui ne constitue d’évidence qu’un ensemble de poncifs sur le génie langagier de Jean Racine et son irrésistible modernité.

    Si nous ne fûmes pas un public approprié pour cette pièce, nous lui reconnaissons volontiers des qualités propres à introduire, auprès d’un jeune public, d’un public peu au fait de Phèdre ou encore d’un public amateur de frasques sémillantes, l’œuvre phare de l’enfant de Port-Royal. Et, qui sait ? Cette pièce aura peut-être la vertu de susciter, dans le for de certains, le désir de rencontrer l’œuvre de Racine.

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