Passé composé ou Anne Sinclair par elle-même

Couverture du livre « Passé composé » d’Anne Sinclair (Grasset, 2021)

Titre : Passé Composé
Auteur : Anne Sinclair
Éditeur : Grasset
Date de parution : 2 juin 2021
Genre : Autobiographie

Star du journalisme politique dans les années 1980 et 1990, Anne Sinclair revient sur les grands évènements de sa vie dans Passé composé. Sans faire l’impasse sur le douloureux épisode Strauss-Kahn, elle évite le règlement de compte et donne à voir la femme derrière les flashs et les paillettes.

Une autobiographie qui commence par un mea culpa

Dans Passé Composé, Anne Sinclair choisit de revenir sur les grandes étapes de sa vie sur le mode de la confidence, tout en conservant une grande pudeur. Elle admet avoir longtemps critiqué ses confrères qui publient leurs mémoires, et reconnait avoir changé d’avis à ce sujet. Le ton est donné : Anne Sinclair est ouverte à l’autocritique. Pas assez féministe dans ses premières années de carrière, privilégiée d’avoir grandi dans un milieu aisé, mère trop absente, épouse trop naïve … sans autoflagellation, l’autrice cherche à expliquer plutôt qu’à justifier ses choix personnels et professionnels, jetant un regard à la fois critique et apaisé sur sa vie pour tenter d’en faire le bilan.

Des premières loges de l’actualité politique aux coulisses du pouvoir

Pour beaucoup de Français nés avant les années 1990, Anne Sinclair est une figure familière, indissociable du célèbre générique de l’émission dominicale « 7 sur 7 » diffusée sur TF1 de 1984 à 1997. Très respectée dans le milieu des médias, elle renonce à son poste à la fin des années 1990 lorsque son mari, Dominique Strauss-Kahn, est nommé Ministre des finances. Une façon de protéger sa réputation et d’éviter tout conflit d’intérêt.

Si les années fastes à 7 sur 7 occupent une place centrale dans Passé Composé, on peut regretter le côté un peu superficiel de ces chapitres qui donnent l’impression d’une énumération un peu scolaire. Anne Sinclair choisit de mentionner, les uns après les autres, ses invités les plus célèbres, des Présidents français aux pop stars comme Madonna, sans toutefois dépasser le stade des anecdotes.

Une identité marquée par la judaïté

Heureusement, les autres chapitres offrent une perspective nettement plus intéressante sur le parcours de Sinclair et sur l’influence de son entourage. La relation d’Anne Sinclair avec ses parents, et en particulier sa mère, est très intéressante, de même que l’importance de l’identité juive, qui semble s’être renforcée au fil des années. L’autrice confie ainsi que la Shoah la hante jusque dans ses rêves.

On découvre les motivations qui l’ont poussée à se lancer dans le journalisme politique, sa vénération de Pierre Mendès France, son attachement à Europe 1 et son ascension puis ses déboires avec TF1. Le récit de ses premières interventions radio, alors qu’elle n’est encore qu’une étudiante interpellant les hommes politiques comme auditrice, est particulièrement savoureux. Celui de sa reconversion difficile, après l’arrêt de 7 sur 7, est aussi une belle leçon d’humilité.

Une fausse nostalgie sans amertume

Qu’il s’agisse de son licenciement sans indemnités par TF1 ou du scandale sexuel ayant impliqué son ex-mari, Sinclair expose sa version des faits sans chercher à régler ses comptes et sans amertume excessive. Au fil des pages, on découvre une femme qui, malgré des moments de faiblesse, a toujours su rebondir et prendre le meilleur de ce que la vie avait à lui offrir. En plus d’être un témoignage personnel, Passé Composé est aussi, en filigranes, une déclaration d’amour à une certaine gauche politique et à une certaine façon de faire du journalisme. Une voix aujourd’hui peu audible parmi les plus jeunes mais qui ravira sans aucun doute les anciens inconditionnels du rendez-vous télévisuel du dimanche soir.

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Journaliste