“Nobody”, anti-John Wick

Nobody
d’Ilya Naishuller
Action
Avec Bob Odenkirk, Aleksey Serebryakov, Connie Nielsen
Sorti le 23 juin 2021

Dans la droite lignée des actioners de ces dernières années sort aujourd’hui Nobody, un film décomplexé issu de l’imagination de Derek Kolstad, créateur de la franchise John Wick, avec Bob Odenkirk dans le rôle-titre !

Père de famille rangé et désabusé, Hutch Mansell (Bob Odenkirk) sera tiré de son existence monotone une nuit par deux cambrioleurs. Sans le savoir, ceux-ci déclencheront une réaction en chaîne qui mènera Hutch à sortir de sa torpeur pour laisser éclater une rage enfouie depuis trop longtemps.

Dès sa sortie, Nobody s’est vu comparer à John Wick. À raison ! Car outre le fait que les deux séries sont issues de l’imagination du même homme, elles ont énormément de points en commun. Ou plutôt, elles s’opposent sur quasiment tous les points…

Là où John Wick prenait son temps pour installer son intrigue et ses personnages, Nobody montrera d’entrée Hutch Mansell tuméfié et menotté face à la police ; là où John Wick semblait aimer sa vie tranquille, Hutch Mansell déteste la sienne ; là où John Wick était attaqué chez lui par des mafieux surentraînés, Hutch Mansell le sera par un couple de loosers en quête de quelques billets ; là où John Wick conduit une Ford Mustang Boss 429, Hutch Mansell prend le bus.

Même le titre des deux films symbolise cette opposition : le premier, John Wick est mentionné d’entrée de jeu, le second est un Nobody, c’est-à-dire personne !

En réalité, Hutch Mansell est l’antithèse du personnage campé par Keanu Reeves, et la retraite a fait de celui-ci un looser, méprisé par sa femme et ses proches.

Ainsi, là où John Wick reprendra du service après avoir perdu sa raison d’être, Hutch Mansell fera de même pour retrouver la sienne ! En réalité, là où la plupart des héros de ce genre de films semblent contraints de faire ce qu’ils font, Hutch semble y prendre du plaisir. Comme une sorte de revanche sur la vie et une façon de s’assumer pleinement.

La chose sera d’ailleurs soulignée par la bande originale du film, notamment dans les chansons Don’t Let Me Be Misunderstood (Nina Simone), Life Is A Bitch (Luther Allison), I Told Myself A Lie (Clyde McPhatter) et surtout le morceau I’ve Gotta Be Me (Steve Lawrence). En menant une vie rangée, Hutch se sent incompris et a l’impression de vivre un mensonge. Le cambriolage dont il sera victime agira comme une révélation, tout en lui permettant de redevenir lui-même et de prendre sa revanche sur une vie qui ne le satisfait plus. On assistera ainsi aux débordements d’un homme qui refuse de n’être plus personne.

Mais derrière le fait que Nobody semble parfois être l’exact opposé de John Wick, le film offre une violence plus crue et moins esthétisée que son prédécesseur. À cet égard, il se rapproche davantage de réalisations comme Les chiens de paille (Sam Peckinpah, 1971) ou le très mésestimé Harry Brown (Daniel Barber, 2009). On pourra même y voir quelques accents jokeriens dans le fait que le protagoniste principal parvienne à s’assumer au travers d’une violence décomplexée et soulignée par les vocalises d’un crooner : qu’il s’agisse de « That’s Life » de Frank Sinatra pour Joker, ou de « I’ve Gotta Be Me » de Steve Lawrence pour Nobody.

Le film se démarquera encore dans la mesure où Hutch mettra du temps à retrouver ses vieux réflexes, et passera une bonne partie du film à prendre autant de coups qu’il en donnera. Ce qui confère un dimension sale, jouissive et jusqu’au-boutiste à l’ensemble, Hutch témoignant parfois d’un tempérament presque suicidaire.

Nobody est en réalité un film qui divisera ! Certains lui préféreront le raffinement et l’esthétisme d’un John Wick, quand d’autres seront davantage sensibles au côté brut et décomplexé ici présent. Reste un film disposant de solides qualités. Dans son casting pour commencer, Bob Odenkirk étant réellement inattendu dans un tel rôle, tandis que Christopher Lloyd gratifiera l’ensemble de son inoubliable présence. Dans sa décomplexion ensuite, le film étant généreux en action et parfois même un peu fou.

En somme, un excellent moment rempli d’action, de personnages hauts en couleur et d’une touche d’humour bienvenue !