« Les Inséparables », Cervantes au pays des jouets

Les Inséparables
de Jérémie Degruson
Animation, Aventure, Famille, Comédie
Sortie le 20 décembre 2023

Dès la nuit tombée et les humains partis, une petite troupe de marionnettes d’un vieux théâtre de Central Park prend vie. L’une d’entre elles, le prénommé Don, commence à trouver son rôle d’éternel bouffon du roi lassant. Plus encore, notre pantin au grand cœur rêve d’incarner un rôle de chevalier, un héros sans peur et sans reproche. Pour ce faire, il va partir à l’aventure en s’inventant des quêtes toutes plus folles les unes que les autres, accompagné du chien en peluche DJ Doggy Dog.

Une décennie après le discutable Manoir Magique, mais surtout un lustre après les succès publics et scénaristiques de Bigfoot Junior et Bigfoot Family, Jérémie Degruson revient aux manettes d’une production nWave, le studio belge d’animation de Ben Stassen. Pour l’aider cette fois-ci dans sa tâche artistique, le réalisateur a décidé de continuer à placer sa confiance musicale dans le groupe Puggy, mais s’est aussi entouré de deux scénaristes ayant travaillé en 1995 sur Toy Story, à savoir Joel Cohen et Alec Sokolow. Une griffe rappelée tant dans la bande annonce que sur l’affiche, même si le succès de nos deux acolytes est à relativiser depuis lors (Garfield, Evant tout-puissant, Les Bouchetrous, …).

Mais de Toy Story, il est en assurément question. En effet, tant le duo de personnages antagonistes – Don, la marionnette fantaisiste, et DJ Doggy Dog, la peluche se rêvant star du rap – rappelant celui du cowboy Woody et du ranger Buzz, que dans l’idée de faire des jouets des êtres vivants en l’absence des humains, le clin d’œil est plus qu’appuyé. Fallait-il encore sortir une histoire. Chose faite dans un roman en deux parties datant du début du XVIIème siècle : L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche de Miguel de Cervantes.

De fait, le scénario s’inspire totalement de l’histoire de ce chevalier errant et ne s’en cache pas. Son protagoniste principal, Don, en possède toutes les caractéristiques physiques et intellectuelles, puisque lui aussi part à l’aventure se battre contre des monstres qui n’en sont pas, pour des princesses qui n’en ont en réalité pas le titre. L’idée d’animer l’histoire de Don Quichotte dans le monde réel par le biais de jouets est assez intéressante et permet aux plus jeunes d’apprivoiser les codes d’un classique de la littérature, édulcoré toutefois comme il se doit, même si le schéma narratif (batailles chimériques – acolyte évoluant parallèlement au récit – prise de conscience) est assez fidèle au récit originel.

Mais passé cela, Les Inséparables n’imprime pas réellement le spectateur. Et c’est là que le bât blesse. Trop bavard, parfois trop complexe et discrètement drôle, le long métrage d’animation ne semble pas choisir son public. Les plus jeunes décrocheront assez vite des dialogues, les parents n’y trouveront pas le piment d’un DreamWorks et les 8-12 ans – la cible probable – passeront un bon moment sans que l’histoire ne les marque sur le moyen terme.

En résumé, cette nouvelle production des studios nWave affiche une réelle envie d’intellectualiser son propos, de lui donner de la consistance. Mais force est de constater qu’à l’instar de son héros, l’histoire se bat parfois contre son propre scénario, trop circulaire.

A propos Matthieu Matthys 919 Articles
Directeur de publication - responsable cinéma et littérature du Suricate Magazine.