« La Mif », pudique et authentique

La Mif
de Frédéric Baillif
Drame
Avec Claudia Grob, Anaïs Uldry, Kassia da Costa
Sorti le 9 mars 2022

Auréolé du prix Génération 14 Plus lors de la Berlinale 2021, La Mif de Fred Baillif, réalisateur suisse autodidacte, raconte l’histoire fictive d’un foyer pour jeunes filles.

Fred Baillif, lui-même un ex-éducateur, propose une véritable immersion dans ce foyer pour jeunes filles à problèmes, rythmée par une succession de portraits. Ces derniers permettent de nourrir un récit non-linéaire où l’on découvre progressivement les histoires douloureuses de jeunes femmes en phase de reconstruction, sans oublier celle, pas moins attachante, de la directrice de l’établissement.

A la fois pudique et authentique, le film aborde des thèmes durs, avec un regard très bienveillant et sans jamais en faire trop. Le dispositif ingénieux, qui mêle les différentes trajectoires de vie, en les intégrant dans le quotidien de la petite communauté, laisse transparaître le pathos de la fiction. Impossible de ne pas être ému par ces filles cabossées et solidaires qui ont trouvé dans le foyer une nouvelle famille jusqu’à leur arrivée dans l’âge adulte. Les successions de plans accompagnés de musique classique créent des moments de respiration nécessaires, car la douleur des jeunes filles pourrait sembler insupportable.

Le film a fait l’objet avant son tournage d’un travail préparatoire de deux ans durant lesquels le metteur en scène a répété avec ses jeunes actrices. Il les a invitées à nourrir leurs personnages, en développant intérieurement une histoire personnelle, un passé qu’elles ne devaient pas dévoiler aux autres. Toutes les interprètes de La Mif sont issues de foyers. Elles jouent cependant des rôles qui ne correspondent pas à leur passé, rôles qu’elles ont eu toute la liberté de composer. Les dialogues n’étaient pas écrits et tous les échanges étaient de l’improvisation, ce qui explique le langage de charretier qui cache les fêlures réelles de ces adolescentes. C’est un véritable tour de force que réalise Frédéric Baillif dans ce long-métrage tourné en deux petites semaines, en un huis-clos presque total.

La Mif incite à une réflexion et à une remise en question de ses propres préjugés concernant le type de structure présenté, ici les foyers pour jeunes filles, la façon dont se déroule le quotidien dans ces établissements, mais aussi le métier d’éducateur et sa fonction. Le film invite également à se questionner sur la position d‘adultes vis-à-vis des mineurs et sur des sujets comme l’autorité ou la sexualité entre adolescents.