« La Chose en soi », Néophyte de Kant, ou du Paradoxe de Fermi, s’abstenir !

Titre : La Chose en soi
Auteur : Adam Roberts
Editions : Folio
Date de parution : 2 juin 2022
Genre : Science-Fiction

La Chose en soi est un roman écrit pour les connaisseurs. Pour les lecteurs de philosophie, mais également pour les scientifiques. Adam Roberts mêle ces deux mondes que sont la science et la philosophie et c’est à nous, lecteurs, d’essayer de nous y retrouver.

Dans le cadre du programme SETI, deux scientifiques sont chargés de récolter et analyser des potentiels signaux extra-terrestres. Charles Gardner et Roy Curtius, ces deux hommes au caractère fort différent, cohabitent dans un environnement hostile. Le premier est cultivé, assez ouvert et doté d’un certain sens de l’humour, alors que le second est fermé, calculateur et prétentieux. Et ce dernier affirme avoir résolu le Paradoxe de Fermi (en résumé : comment est-il possible qu’on n’ait encore jamais rencontré de preuve de vie extraterrestre dans un univers aussi grand que le nôtre ?). Il l’aurait fait à l’aide de La Raison pure d’Emmanuel Kant. Pour le prouver, Roy va tenter de tuer son collègue, et, alors que Charles est enfermé à l’extérieur dans le froid le plus douloureux qui soit, il va voir une chose terrifiante, le temps d’une fraction de seconde. Des années plus tard, alors qu’il a tout perdu tant physiquement que psychiquement, il sera contacté par l’Institut pour renouer avec Roy, enfermé en hôpital psychiatrique depuis deux décennies. Celui-ci aurait, apparemment, la solution à une révolution moderne qui pointerait le bout de son nez.

Le titre du roman fait écho au paranoïaque The Thing (John Carpenter, 1982), et le début en est la preuve, avec la situation très tendue entre Charles et Roy. Mais l’auteur part rapidement sur une voie totalement différente. Il base son livre sur un principe : nous sommes incapables de voir les aliens à cause de notre conception fermée de la réalité, c’est pour ça que nous n’en avons jamais rencontrés. L’apparition des Intelligences Artificielles pourrait donc régler cela. Adam Roberts s’interroge sur le sens du réel et sur les implications de sa remise en cause. Il joue sur le travail de Kant pour démonter la réalité et offrir à ses personnages la possibilité de modifier l’espace et le temps, littéralement. Mais avec la densité des idées incorporées dans le récit, on se retrouve face à un texte intense, et le risque de perdre le lecteur est bien là. D’autant plus que l’auteur intercale, entre chaque chapitre, d’autres histoires qui se passent à d’autres périodes. On pourrait y voir l’influence de David Mitchell et de son Cloud Atlas, mais malheureusement, ça n’aide pas à garder la tête du lecteur hors de l’eau.

Avec son texte surchargé d’idées, Adam Roberts laisse souvent le lecteur sur le banc de touche, d’autant plus avec cette volonté de jongler entre les thématiques scientifiques et philosophiques. Son roman peut paraître vertigineux, voire effrayant, et il faut rester bien accroché, du début à la fin. Si vous aimez les défis, lancez-vous !