Un jour dans la vie de Billy Lynn, l’Amérique et ses héros

Un jour dans la vie de Billy Lynn
de Ang Lee
Drame, Guerre
Avec Joe Alwyn, Kristen Stewart, Garrett Hedlund, Steve Martin, Vin Diesel
Sorti le 25 janvier 2017

En 2005, des soldats d’un régiment d’infanterie en Irak, ayant été la cible d’une attaque d’insurgés, sont rappelés en Amérique pour être fêtés en héros de la nation. Parmi eux se trouve Billy Lynn, devenu du jour au lendemain une gloire nationale après qu’une vidéo le montrant en train d’accomplir un acte héroïque sur le front ait fuité sur YouTube. Alors qu’il s’apprête à être renvoyé au combat avec ses compagnons d’armes, Billy Lynn vit une dernière journée surréaliste au pays, hanté par les images de la guerre et sommé par sa sœur, qui ne supporte pas de le voir repartir au combat, de se faire porter pâle.

Il est difficile de trouver un fil rouge, une réelle cohérence, dans le parcours d’auteur de Ang Lee, cinéaste taïwanais exerçant aux Etats-Unis. On peut tout de même tisser des liens entre ce film-ci et Brokeback Mountain, par le fait qu’ils évoquent tous deux des personnages issus de l’Amérique profonde, aux prises avec des valeurs étouffantes. Mais Un jour dans la vie de Billy Lynn revêt une dimension de satire politique assez inédite dans le travail de Lee.

La manière dont les soldats sont traités par l’Etat et par les citoyens est ici évoquée de manière ouvertement critique, avec une ironie parfois cruelle. Mais cette manière de juger des personnages et leurs comportements et d’en ériger d’autres au statut de martyrs constitue également une des grosses limites du film, qui ne cesse de se débattre avec sa propre ambiguïté.

S’il est en effet parfois dans la satire féroce de tout un système de valeurs contradictoires et hypocrites – le personnage de la « cheerleader », amoureuse transie de Billy Lynn alors qu’elle vient de le rencontrer mais première à le renvoyer presque de force au front au nom d’un patriotisme aveugle, est à ce titre particulièrement gratiné –, le film se perd souvent dans son propos et le ton qu’il adopte. Impossible de savoir, par exemple, si le personnage de Vin Diesel, sorte de bonze « new age » qui dirige son équipe de fantassins en leur débitant des maximes pseudo-philosophiques et en leur disant « I love you » avant d’aller tirer dans le tas, est à dessein croqué comme parfaitement ridicule ou si c’est involontaire.

Un jour dans la vie de Billy Lynn est également assez symptomatique du rapport bizarre qu’entretient l’Amérique avec ses guerres et avec ses « héros ». Le film se permet en effet de remettre en question – de manière assez violente – la légitimité de la guerre en Irak, mais n’osera jamais contester le fait que les soldats envoyés au front sont des héros. Jamais le film ne se pose la question de savoir si les pions d’un conflit illégitime ne seraient pas, eux aussi, illégitimes. Les « héros de guerre » pourront avoir les comportements les plus inadmissibles – lors de plusieurs scènes –, ils seront toujours excusés, simplement parce que ce sont des « héros ». C’est une des nombreuses contradictions d’un curieux film, qui a au moins le mérite de faire réfléchir.