Le Fleuve des brumes de Valerio Varesi

Le Fleuve des brumes

auteur : Valerio Varesi
édition : Agullo
sortie : mai 2016
genre : polar

La vallée du Pô, située au nord de l’Italie, est entourée de brouillard, et n’est jamais à l’abri des crues du fleuve. C’est en toute logique que cet espace hors du temps est le terrain d’un drame qui pourrait prendre ses racines en pleine seconde guerre mondiale, théâtre de l’opposition entre fascistes et communistes. Car suite à la disparition de Tonna et au suicide présumé de son frère, leur passé au sein des Chemises noires ne tarde pas à resurgir. De quoi faire s’interroger le commissaire Soneri, chargé de l’enquête.

Les enquêtes du commissaire Soneri, débutées en 1998, comptent aujourd’hui 12 volumes, et ont notamment inspirés une série télévisée en Italie, leur pays d’origine. C’est dire la notoriété dont jouit le personnage créé par Valerio Varesi, qui à enfin droit à sa première traduction en français, avec la parution du Fleuve des brumes. Cette publication tardive permet de découvrir un écrivain digne d’intérêt, qui mise avant tout sur l’ambiance pour s’interroger sur son pays, et sur le rapport qu’il entretient avec son histoire, dans ce qu’elle a de plus sombre.

Niveau style, l’auteur a l’art du détail marquant. Il ne lui faut que quelques lignes pour planter le décor et définir les personnages secondaires, lui permettant de les introduire avec subtilité. Le personnage principal, à savoir le commissaire Soneri, a droit à un traitement différent, et ce n’est qu’au fil des pages que le lecteur apprendra à réellement le connaître. Bien que ce choix puisse trouver une explication dans le fait que Le Fleuve des brumes constitue en réalité sa quatrième enquête, il ne dessert cependant pas la découverte du roman. Au contraire, il permet de mettre en lumière le rôle d’observateur externe du héros, tout en resserrant l’attention sur les différents habitants des zones bordant le Pô, offrant un regain d’impact au portrait qui en est dressé. Leur personnalité répond en effet à la grisaille ambiante, personne n’étant ni tout blanc, ni tout noir, mais au contraire porteur d’une humanité flagrante.

Cette manière de faire est par ailleurs révélatrice du but qui semble réellement animer Valerio Varesi, à savoir témoigner des différentes conséquences d’un passé douloureux, lointain mais difficilement oubliable, sur ceux qui l’ont pleinement vécu. La lenteur de l’enquête, qui semble pourtant étroitement liée à la manière intuitive de penser du commissaire Soneri et de ses interactions avec les différents protagonistes, trouve ainsi toute sa justification dans la fin de l’ouvrage, qui souligne pleinement ce niveau de lecture. Plus qu’une investigation, Le Fleuve des brumes se fait alors le relais d’un regard porté sur la vieillesse, et par là même sur le rapport à une mort qui se fait de plus en plus tangible, dans une Italie qui n’a pas fini d’exorciser les démons de son passé. De quoi charger en émotion ce polar atypique et donner envie d’en lire plus de la part de l’auteur. Ceci devrait être possible dès l’année prochaine, les éditions Agullo ayant d’ores et déjà annoncé le retour de Soneri pour 2017.

A propos Guillaume Limatola 126 Articles
Journaliste

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