Festival SLOV:motion aux Halles de Schaerbeek : compte-rendu

Le Suricate Magazine était aux Halles de Schaerbeek ce samedi 1er octobre pour le festival SLOV:motion. On vous raconte. Les portes des Halles à peine franchies, l’ambiance cosmopolite qui y règne est d’emblée palpable. Les artistes slovaques se mêlent aux visiteurs belges, français, italiens, anglais, ou encore slovènes et partagent un verre, avant d’entrer en scène.

Quelques personnes, d’ores et déjà inscrites sur la liste d’attente, se risquent à demander dès 17h30 à la billetterie quel sort leur sera réservé. C’est que la performance Opening Night, portée par Les SlovaKs, est très attendue.

Nos places prises, on commence par déambuler dans la grande halle, dans laquelle plusieurs expositions sont présentées. On découvre ainsi une sélection d’affiches originales de la collection de l’Institut de théâtre de Brastislava (Theatre Posters), des photographies d’anciens bâtiments industriels, usines ou gares réaménagés en centre culturels (Performing Spaces), les travaux de trois photographes autour du corps dans les créations de danse contemporaine (Body danced, body seen), ou encore une installation interactive offrant au visiteur le choix d’un des profils de danseurs slovaques proposés (Dance with me).

De ces différentes expositions émerge un lien clair, autour du mouvement et de l’évolution dans l’art et la création slovaques. Mouvement du corps dans la danse contemporaine au travers des photographies de l’artiste Noro Knap et des vidéos de Dance with me, et évolution des bâtiments désaffectés, pour lesquels la création ouvre la possibilité d’une seconde vie.

Après ce passage à la Grande Halle, direction la petite halle pour la première performance de la soirée, signée Jaro Viňarsky.

animalinside

Animalinside – Jaro Viňarsky

Cette chorégraphie pour deux danseurs, Jaro Viňarský et Marek Menšik en l’occurrence, se décompose en trois parties. D’abord plongés dans le noir, les spectateurs retrouvent la lumière, crue, sur deux corps nus à même le sol, membres tendus. Un son strident accompagne ce qui ressemble à un réveil douloureux, ou à la création d’un être. Les corps des danseurs se meuvent petit à petit, suivant un mécanisme lent, dans un combat pour le mouvement. Les têtes disparaissent pour laisser place au corps, tout en tension. Il y a quelque chose de christique dans ces deux corps tremblants, peinant à se maintenir en position assise.

De nouveau, le noir complet, une voix grave transperce l’obscurité : « you cannot touch me, you cannot paint me, i have no eyes, i have no pain, (…)i’m close ». Est-ce une allégorie de dieu, du diable, ou de l’animal qui est en nous ?

Débute le deuxième chapitre de cette performance : la lumière revient, plus douce. Les danseurs sont maintenant vêtus et se meuvent plus aisément. Ils se découvrent et se confondent, dans un face à face tantôt charnel, tantôt primitif. Les corps se transforment, repoussent leurs limites – muscles toujours plus tendus – pour finir par ne plus être humain (le danseur se dresse tel un serpent sous un charme mystique, devient loup).

Une troisième partie montrera ces deux danseurs explorer jusqu’au bout l’animalité et l’instinct qui sommeillent en nous, se déchaînant et se désarticulant sur une musique d’une violence jouissive.

On retient de cette performance le dualisme constant entre le corps (animalité) et la parole (cérébralité), quasi absente de celle-ci, à l’exception de l’interlude curieux, entre deux chorégraphies, pendant lequel le danseur Jaro Viňarský propose des apéritifs et boissons aux spectateurs.

Si on a du mal à comprendre ce que cet entracte signifie ici, si agréable et drôle soit elle, on ressort avec un avis plutôt positif de cette performance osée.

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Opening Night – Les SlovaKs

Les SlovaKs, ce sont cinq danseurs et amis slovaques actuellement installés en Belgique. Cinq artistes complets qui se sont fait connaître du public belge il y a dix ans avec la création Opening Night. Et de fait, cette amitié se ressent sur scène.

Accompagnés d’un violoniste talentueux qui se fait orchestre à lui-seul, les cinq complices revisitent le chant et la danse traditionnelle slovaque avec humour et jouent avec les registres, dans un ballet d’une justesse et d’une précision impressionnantes.

Les costumes, un peu ridicules collent parfaitement au ton général, rempli d’autodérision. La performance alterne ainsi moments de fougue et de douceur lente, tout en grâce et légèreté. Les artistes s’éclatent sur scène, tout simplement, et font partager ce plaisir simple au public. Une belle (re)découverte.

Après cette performance rafraichissante à la grande halle, retour à la petite halle pour le clou du spectacle : Bakkheia, de Peter Šavel.

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Bakkheia – Peter Šavel

Si les SlovaKs étaient très attendus, on en attendait pour notre part beaucoup de la dernière performance de ce samedi soir, signée Peter Šavel, artiste en résidence à Charleroi Danses depuis 2014. Et nous n’avons pas été déçus.

Nous pénétrons dans la petite halle plongée dans le noir, éclairée par des néons disposés de part et d’autre de la scène. Une musique étouffée, comme dans un fumoir de boîte de nuit, donne le ton.

Les corps des trois danseurs apparaissent rapidement, se déplaçant de manière épileptique et frénétique sur la scène. Ils se touchent, s’entrechoquent, s’efforcent de communiquer, dans un jeu perpétuel de repoussoir et d’attraction. De ces trois corps émerge celui de la danseuse, qui électrise la scène, tout en muscle et en beauté bestiale.

Est-ce un mauvais trip, une allégorie de la drogue et de la déchéance ? Si déchéance il y a, il s’agit plutôt de celle provoquée par l’individualisme.

Dans cette chorégraphie audacieuse, les danseurs jouent en effet avec la frontière poreuse entre le mouvement dirigé (celui dicté par la société d’images et de faux semblants, tout en superficialité) et le mouvement spontané (ce besoin naturel et primitif de communiquer), entre ce que l’on pourrait percevoir comme de la folie, de l’autisme, et le génie (la liberté de mouvement, l’animalité).

On a envie de rejoindre ces danseurs dans leur frénésie jusqu’au bout la nuit, sur cette musique hypnotique et épileptique de The Knife, sublimée par des passages de J.S. Bach.

Ici aussi, les performeurs prennent le temps d’interagir avec le public, cherchant le contact, désespérément, touchants. Il y a quelque chose de brouillon dans cette chorégraphie, mais un brouillon sacrément plaisant.

On retient du festival SLOV:motion cette envie des artistes de partager la performance avec leur public, ce côté ludique et ce besoin incessant de mouvement, comme pour exprimer un besoin d’unité dans une société toujours plus individualiste.

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