Far From The Madding Crowd de Thomas Vinterberg

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Far From The Madding Crowd

de Thomas Vinterberg

Drame, Romance

Avec Carey Mulligan, Juno Temple, Michael Sheen, Matthias Schoenaerts, Tom Sturridge

Sorti le 20 mai 2015

Sacré Thomas Vinterberg. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’est jamais là où on l’attend. Palme d’Or au Festival de Cannes en 1997 pour Festen, un chef d’œuvre de cruauté et de maestria cinématographique dans le plus pur style dogma, le danois a poursuivi sa carrière en enchaînant des films aux styles aussi divers qu’inégaux. Après un Dear Wendy avec Jamie Bell où il explorait les relations adolescentes dans un western poético-fantastique, un It’s All About Love qui flirtait plus avec la science fiction, il revenait au festival de Cannes en 2012 avec La Chasse. Ce que ce parcours atypique nous a appris, c’est qu’il ne faut pas aborder un film de Vinterberg avec des attentes au niveau du style : il est protéiforme.

Ici, Vinterberg s’attaque à un monstre sacré littéraire de l’Angleterre victorienne : Thomas Hardy et son Far From The Madding Crowd, le récit de l’histoire de Batsheba Everdene et du berger Gabriel Oak dans la campagne anglaise de la fin du XIXème siècle. Elle est une femme indépendante, forte et un symbole criant d’une modernité en marche au tournant du XXème siècle. Lui est un homme terre à terre mais dans un contexte des plus bucoliques. Pourront-ils trouver un terrain d’entente et finalement s’aimer ?

Partie d’une petite exploitation, Bathseba hérite d’une grande propriété à l’abandon et en reprend les rennes pour la rendre à nouveau rentable. Elle s’installe donc d’entrée de jeu comme un personnage hors du commun qui évolue dans un monde régi par les hommes, comme le montre la très belle séquence de la vente des grains où elle se voit repoussée par tous les acheteurs potentiels.

Elle ne s’inscrit donc pas dans le stéréotype des femmes romantiques auxquelles les hommes veulent bien la soumettre. Gabriel lui demande sa main en lui promettant tout ce qu’on peut promettre à une femme de l’époque, mais elle n’en est pas une. Son voisin, William Bolwood résume sa proposition de mariage à un contrat. Mais Bathseba n’est pas femme à se voir offrir un piano et une prison dorée. Doit-on en conclure qu’elle n’est pas faite pour une vie amoureuse ? Pas vraiment, car quand surgit le Sergent Troy, elle découvre alors une passion qu’elle ne connaissait pas et devient prête à aimer, mais aimer comme un homme, d’égal à égal, tout en gardant un sensibilité proprement féminine.

Toute la difficulté du personnage de Bathseba tient dans le fait qu’elle existe dans une ambivalence homme/femme. Et là, le choix de Carey Mulligan s’avoue limité. Malgré son énorme talent, Carey Mulligan n’est pas son personnage. Elle déborde de sensibilité dès le début, ce qui ne colle pas avec le côté masculin et inflexible de Bathseba. Elle est nettement plus convaincante dans la suite du film quand elle découvre sa propre sensibilité. Le même problème se pose avec Gabriel Oak (Matthias Schoenaerts). Là où le livre le décrit comme un être souriant et magnétique, le Oak de Schoenaerts est renfrogné et trop monolithique. Il gagnerait à jouer plus sur la même ambivalence que le personnage de Bathseba.

Dans sa facture, Far From The Madding Crowd est un film classique. Vinterberg laisse à sa caméra l’occasion de capturer la beauté des paysage avec une belle photographie de Charlotte Bruus Christensen, qui avait déjà collaboré avec lui sur Submarino (2010) et La Chasse (2012). La mise en scène pèche parfois par un excès de sentimentalisme mais se rattrape notamment par un travail sur le symbolisme sur les couleurs intéressant et une composition picturale. Mais comme souvent, le diable se cache dans les détails, et là, Vinterberg ne démérite pas. Les seconds rôles, par exemple, sont extrêmement bien castés et doucement irrévérencieux comme Jessica Barden qui amène avec elle un peu du côté rebelle qu’elle avait dans Tamara Drewe.

En gros, Far From The Madding Crowd plaira aux amateurs de romances historiques mais efface un peu la modernité de ses personnages pour ne pas dépasser le film de genre. On pouvait en attendre plus de Vinterberg d’autant plus qu’il avait en mains un matériel en or. Le résultat, un peu trop sentimentaliste, n’est pas un chef-d’œuvre et n’en est pas pour autant déshonorant.

A propos Mathieu Pereira 121 Articles
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