Don Juan, visit now ! : un mythe à déconstruire ?

© MC Paquot

Ecrit et mis en scène par Pascal Crochet, avec Maxime Anselin, Marie Cavalier-Bazan, Isabelle De Beir, Dolorès Delahaut, Alexandre Duvinage, Mathilde Geslin, Sylvie Perederejew, Hélène Theunissen, Laurent Tisseyre, Laura Zanatta. Jusqu’au 27 janvier au Théâtre des Martyrs.

Au Martyrs, le mythe de Don Juan est revu et corrigé par la compagnie Théâtre en Liberté à coups de textes d’hier et de pensées d’aujourd’hui pour un mode de vie où tous les genres ont les mêmes droits.

Molière a 400 ans, et sa jeunesse est éternelle. Le célèbre dramaturge divertit toujours autant le public et perdure dans les manuels scolaires. Ses pièces, lues et traduites dans le monde entier, séduisent par la drôlerie de la satire, le goût de la liberté et de l’insolence qu’elles véhiculent face à toutes les hypocrisies et tyrannies des maris, des tartuffes, des puissants, des précieuses et des ridicules. Font-elles pour autant encore écho aux questions actuelles ? Pas si sûr si l’on regarde de plus près Dom Juan, l’une des œuvres phares de Molière qui participe grandement au mythe du célèbre séducteur dont les premières balises avaient été posées durant le siècle d’or espagnol par Tirso de Molina.

Au sulfureux séducteur inventé par de Molina, Molière a ajouté une dimension plus philosophique, celle du libre penseur. « Quand on lit la pièce, c’est vrai qu’il y a cette dimension-là, mais c’est surtout et avant tout, un prédateur. Et c’est par ailleurs une pièce d’hommes, ce sont les mecs qui parlent. Les femmes, elles, subissent. Elles n’ont pas grand-chose à dire mis à part se plaindre, pleurer ou demander à Don Juan de revenir dans le droit chemin » déclare le metteur en scène Pascal Crochet de la pièce Don Juan, visit now ! sans pour autant faire le procès de Molière. Tout comme il l’avait fait avec sa compagnie pour Métamorphoses mêlant des textes d’Ovide à une réflexion contemporaine sur le vivant, Pascal Crochet avait le désir, avec Don Juan, de reprendre quelques textes de cette pièce qu’il estime datée, partir de son inactualité pour inventer autre chose.

Pour repenser les rapports de domination homme-femme, Don Juan, visit now ! puise dans un répertoire assez large, partant de l’auteure Virginie Despentes à la philosophe Judith Butler en passant par l’historien Ivan Jablonka et la linguiste Laurence Rosier. Sous forme de spectacle pop up, la pièce prend la forme d’un collage et fait résonner, çà et là, des questions contemporaines sur des thématiques comme la question du genre, l’émancipation des femmes et le patriarcat. On y parle, entre autres, de circlusion, de sororité et d’intersectionnalité. Dans un décor mettant à l’avant-scène une pièce de vie, dix comédiens de générations différentes se confient, se disputent, s’interrogent sur les rapports de domination. Et quand les mots prennent trop de place, les mouvements du corps prennent la relève pour nous plonger dans une sorte d’onirisme. Impliqués dans des performances diverses, les comédiens apportent beaucoup de sensibilité et de dynamisme à l’ensemble du spectacle.

Sans tomber dans un didactisme convenu, Don Juan, visit now ! mélange habilement les expériences, convoque l’œuvre Dom Juan de Molière pour mieux s’en éloigner et réinventer le présent.