« Des histoires vraies », mourir de très bonne humeur

Titre : Des histoires vraies
Autrice : Sophie Calle
Editions : Actes Sud
Date de parution : 6 septembre 2023
Genre : Récits

Ce ne sont que des photos accolées de mots. Sophie Calle les fait se côtoyer pour parler de sa vie intime, familiale et personnelle. Le dispositif est simple : une photo, un petit texte, couvrant les 150 pages de cette réédition 2023 d’un livre qui atteint presque la dixième réédition, sorti pour la première fois en 1994, coédité avec la Galerie Sollertis à l’époque.

Ce sont des histoires qui racontent mille et une vies vécues en une, tellement on peut se demander parfois si c’est bien la même personne qui a traversé ces épisodes rocambolesques. L’autrice se livre et raconte, dans une première partie, le rapport à son corps, son nez, son cou, la peur (du sexe) des hommes, ce dessert affreux offert par ce serveur pensant bien faire, obligeant les jeunes filles à rêver de verges glacées. Des anecdotes liées à son lit, souvent tendres et tristes à la fois : des propositions masculines pour dormir dedans, souvent, propositions qu’elle jouera parfois aux dés pour prendre une décision.

L’ouvrage regroupe aussi quelques ensembles, comme des chapitres pas toujours bien définis, intitulés « Le Mari », « Monique » sa mère, « Souris » son chat et « Bob » son père. Elle décrit cette mère, « morte de très bonne humeur », ses mots parsemant son journal intime décrivant autant l’ennui que la peur de disparaître. Sophie Calle parle de sa maternité à elle : son chat, Souris, qu’elle souhaita enfanter. Son enterrement, des années plus tard, méticuleux, aimant, balayé par un message rapide d’une copine, « désolé pour ton chat. Tu n’aurais pas des navets ? ». L’autrice réfléchit à sa propre finitude, à ce qu’elle laissera derrière elle, elle qui a acheté une concession funéraire en Californie, fuyant Montparnasse où son père, ce protestant émotionnellement handicapé, n’a plus voulu reposer avec sa mère, le couple étant séparé.

Des histoires vraies amuse autant qu’il effraie parfois : Sophie Calle arrive à faire passer beaucoup de choses dans ces petites capsules d’elle-même. Elle nous touche, sans jamais tomber dans le nombrilisme ou l’exposition malaisante de sa vie personnelle pour se sentir exister. Elle crée depuis l’intime un univers subjuguant, qui invite aussi à sortir des clous, à vivre sa vie autrement ou à la jouer aux dés. Est-ce que tout est vrai ? Au final, peu importe, son livre est vrai, il existe, il est réédité, et il fascine toujours autant.