Citra et Chamira, la radicalisation au féminin

Couverture de la BD « Citra et Chamira » (La Boîte à Pandore, 2021)

Scénario : Séraphin Alava
Dessin : Jean-Benoît Meybeck
Éditeur : La Boîte à Pandore
Sortie : 25 mars 2021
Genre : Roman graphique, Documentaire 

Citra et Chamira est le témoignage, sous forme de bande dessinée, d’une jeune femme recrutée par Daech pour soutenir les combattants de l’Etat islamique en Syrie. Un récit pédagogique pour mieux comprendre le processus de radicalisation dans les banlieues françaises.

L’intégrisme religieux comme réponse à une quête d’identité

Citra est une adolescente qui vit seule avec sa mère dans une cité HLM où beaucoup de jeunes issus de l’immigration se tournent vers la religion pour échapper à la misère du quotidien. Elle souffre de l’absence d’un père, Mansour, qu’elle n’a pas connu. Sa quête d’identité, qui est aussi une quête de sens et de spiritualité, l’amène à se rapprocher de jeunes musulmanes pratiquantes. Parallèlement, elle s’éloigne petit à petit de sa mère et de ses autres amies qui ne comprennent pas cette ferveur religieuse. Le processus de radicalisation est enclenché : Citra devient Chamira, prête à tout pour partir en Syrie défendre le Califat et vivre selon les préceptes de sa nouvelle religion.

L’enfer des femmes de Daech

Les dessins de Jean-Benoît Meybeck font passer beaucoup d’émotions à travers les visages, montrant une adolescente passionnée, déterminée, mais aussi fragile et souvent saisie par le doute. Le contraste entre les couleurs bleu et rouge, tout au long du récit, semble faire écho aux émotions extrêmes ressenties par Citra : la chaleur rouge de la passion, de l’enthousiasme mais aussi de la colère, et le bleu froid de l’indifférence… qui est aussi une forme de violence.

Le mariage arrangé, à distance, avec un combattant de Daech, puis le départ en Syrie, sont comme un étau qui se resserre autour de la jeune femme. Cloîtrée chez elle, sa vie ne lui appartient plus. Même son fils, dès sa naissance, n’est qu’un mujahid – un futur combattant pour la cause. Le sort des femmes non mariées, dont la plupart finissent comme esclaves sexuelles, est également évoqué à travers le personnage d’une jeune allemande, Ida.

Un ouvrage pour susciter le dialogue

L’intérêt de Citra et Chamira est de mettre en avant les mécanismes de radicalisation spécifiques aux femmes, avec notamment la question du voile et de la virginité, perçues comme une protection contre la violence du monde extérieur. La BD montre aussi comment les femmes se radicalisent dans des lieux de socialisation qui leur sont propres, comme les salons de coiffure.

Raconté de manière chronologique sur le mode de la confession, le parcours de Citra permet d’illustrer les différentes étapes du processus de radicalisation. La bande dessinée se lit en parallèle avec son pendant masculin, Adam : L’attraction du pire, également scénarisé par Séraphin Alava. Les deux ouvrages contiennent en annexe un guide pédagogique. Celui-ci, très bien fait, résume le contexte, la terminologie, et offre des pistes pour discuter des raisons qui poussent un jeune à risquer sa vie et sa liberté pour une cause dont il ne connaissait souvent rien quelques mois avant son départ.

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