« Chiennes de vie » ne fait pas mouche

Chiennes de vie
de Xavier Seron
Comédie, Drame
Avec Jean-Jacques Rausin, Aurora Marion, Arieh Worthalter
Sortie en salles le 20 mars 2024

Ce qui est bien avec une comédie, c’est que si elle est drôle, ça sauve tout. Un scénario bancal, des personnages invraisemblables, une esthétique assez laide ? Puisque le but premier de la comédie c’est de faire rire, alors, si cet objectif est atteint, ces problèmes seront secondaires et le film sera, somme toute, réussi. Mais si tout est rattrapé par le rire, la réciproque n’est pas vraie et une comédie belle, crédible et bien écrite, mais qui ne décroche pas un sourire ne laissera pas forcément un souvenir impérissable. En somme, si on fait des blagues, vaut mieux qu’elles soient drôles parce que si tel n’est pas le cas, qu’est-ce qu’on gardera du film en question ?

Et, malheureusement, ce problème se pose pour Chiennes de vies. Aucune des trois histoires axées sur la relation entre l’humain et l’animal ne réussit le pari de la comédie. Ni Tom qui accepte de recueillir le chien de son défunt voisin afin de plaire à Cécile, ni Greta qui transfère l’affection débordante qu’elle avait pour feu son chien sur son assistante, ni Franck devant choisir entre sa bête et la femme avec qui il commence, enfin, une histoire d’amour, ne dessinent plus qu’un sourire sur le visage de ses spectateurs. On ne peut même pas argumenter qu’il s’agisse ici d’une comédie douce-amère, un genre de feel-good movie touchant. Non, Chiennes de vies est une pure comédie qui cherche à faire rire.

Sur quoi donc se rattraper ? Pas grand-chose encore une fois. Au niveau narratif par exemple, on peut en redire. Non, le film n’est pas mal écrit, chacune des trois histoires fonctionne et elles créent, ensemble, un univers qui semble cohérent. De ce point de vue là, c’est une réussite. Cela dit, on peut regretter qu’il n’y ait que si peu de liens, si ce n’est thématique, entre ces trois intrigues. Elles ne se croisent presque pas, les personnages n’existent que dans leur stroyline si bien qu’on a l’impression de regarder trois courts-métrages distincts, réunis ici, parce qu’ils traitent d’un même sujet. Ce qui est regrettable, car une narration de court-métrage n’est pas une narration de long-métrage en plus court. Le schéma narratif par lequel chemine une histoire de court-métrage est beaucoup beaucoup plus simple, ne passant que par quelques rebondissements et n’allant, la plupart du temps, que d’un problème de départ concret à la résolution de celui-ci. Un long-métrage doit changer de direction plusieurs fois sous peine d’afficher une linéarité épuisante pouvant ennuyer son spectateur. Ainsi, la longueur de la représentation impacte directement la difficulté d’articuler sa narration afin qu’elle captive de bout en bout. De fait, écrire trois courts-métrages pour en faire un long ne peut que difficilement surprendre, car les schémas narratifs de ces trois films sont obligatoirement simples en raison de la durée de leur représentation.

Si le film apparait comme une suite de courts-métrages dans la manière dont les histoires sont racontées (le fait d’avoir décidé de les montrer d’un bloc les uns après les autres et non de tisser les histoires ensemble à la manière d’un film polyphonique accroit encore cette impression), il n’en est rien esthétiquement. En effet, par ses choix tranchés, Chiennes de vies contre l’aspect disparate de ses narrations. Le noir et blanc et le grand nombre d’effets visuels donnent une patte au film et lient les différentes intrigues pour ne faire qu’un. Cependant, on peut regretter que ces choix esthétiques ne semblent présents que pour donner un visuel particulier qui crée la cohérence du film, mais ne soient motivés par rien d’autre et ne servent pas la comédie, peut-être même, la desservent.

S’il en faut beaucoup pour redresser une comédie qui n’arrive pas à faire rire, le pari n’est pas impossible. Cependant, Chiennes de vies n’y parvient pas, laissant son esthétique toute-puissante et seule chose qui reste véritablement après la projection. Dommage, tant le paysage audiovisuel a besoin de comédies voulant bousculer les standards d’un genre qui, bien trop souvent, se complaît dans la fadeur.