« Ça brille encore », fragments caniculaires d’un été bruxellois

Titre : Ça brille encore
Autrice : Bénédicte Lotoko
Editions : Les Impressions Nouvelles
Date de parution : 19 janvier 2024
Genre : Roman

Clotilde a chaud et vit à Bruxelles. C’est la canicule, l’été 2019. Elle erre et nous raconte sa ville, ses histoires, ses impasses. Durant ces deux mois où les belges désertent leur capitale, Clotilde revit des histoires d’amour non finies, commence des relations sexuelles, s’ouvre à différents plaisirs, accompagnée de Zakia, Tawfiq, Thomas, tout en essayant d’apprendre à gérer cette brèche ouverte dans son passé, seule avec les livres et ses souvenirs.

Bénédicte Lotoko s’attache donc à cette femme qui marche ou se déplace avec Innova, sa machine mi scooter, mi moto, qui lit et survit dans la capitale belge, que les deux (l’autrice et le personnage) connaissent bien. Si l’autrice n’évite pas un côté « guide touristique » systématique, manquant de surprises, par cette sensation que Clotilde se sent obligée de décrire un circuit tracé dans un certain Bruxelles, la promenade reste plaisante, entre faits objectifs et vue subjective des lieux.

Clotilde semble d’ailleurs attacher beaucoup d’importance à distinguer les événements passés et présents, indéniables, des projections de son (et de notre) imaginaire culturel. Paumée, en recherche dans sa relation avec les hommes, les femmes, son père, sa mère, elle est touchante dans sa quête intérieure, familiale également. Car ce roman est aussi et peut-être surtout l’histoire de cette petite fille abandonnée très jeune par sa mère, retournée vivre au Congo, condamnée à vivre avec un père aimant mais devenu presque fou, propriétaire d’une immense demeure à Bruxelles. Confrontée tous les jours au passé colonial de la Belgique, toujours bien présent dans sa peau et son vécu, Clotilde est dans l’envie de trouver ses racines, et une certaine stabilité émotionnelle.

Heureusement, il reste la littérature. Les auteurs, dont Barthes et ses fragments, et les autrices, comme Ernaux, qu’on cite rarement sans leurs prénoms, comme le fait justement remarquer Lotoko. Le livre est parsemé de ces passages livresques (surtout du « discours amoureux » de « Roland », comme Clotilde le nomme), points d’appui pour comprendre et apprendre à vivre. Sans en abuser, Ca brille encore, découpé en chapitres divisant cet été caniculaire en jours précis et places connues, est un livre qui crie son amour pour Bruxelles, sa vie nocturne et ses bonnes librairies. Facile à lire, d’une écriture courte et incisive, c’est un premier roman aimant les descriptions, maitrisé, malgré quelques phrases inutilement alambiquées parsemant le récit.

Si la rencontre entre l’héroïne et son voisin paraît absurde, comme chargée d’un caractère fictionnel non nécessaire et artificiel, on suit avec curiosité la trajectoire de cette fille à la recherche d’elle-même, de la vie, d’un truc qui pourrait encore briller.