“Buddy Guy : The Blues Chase The Blues Away”, ouroboros musical

Buddy Guy : The Blues Chase The Blues Away
de Devin Chanda, Matt Mitchener et Charles Todd
Documentaire, Musique
Avec Eric Clapton, Gary Clark Jr., Buddy Guy
Sorti le 21 septembre 2021 en numérique EST (achat) & VOD (location)

Tandis que B.B. King nous a quittés en 2015, le temps qui passe nous prive peu à peu des rares bluesmen de la vieille garde encore vivants. Ainsi, ne restent aujourd’hui que quelques grands noms toujours en activité, au-devant desquels se trouve désormais Buddy Guy.

Influence majeure pour quantité de musiciens renommés, Buddy Guy aura magnifié le blues de son inimitable « showmanship », jouant de la guitare avec ses dents ou traversant la foule en plein concert. Soixante-quatre ans après ses débuts, le bluesman est désormais mis à l’honneur dans un documentaire passionnant !

Mais Buddy Guy : The Blues Chase The Blues Away est autant une histoire du célèbre musicien qu’une plongée dans le Blues. Car l’artiste lui-même exprimera non sans humilité être venu à cette musique en écoutant le Boogie Chillen’ de John Lee Hooker, tandis que son jeu de scène fut inspiré par Guitar Slim.

En réalité, cette biographie semblera souvent être un prétexte à parler des autres, tant Buddy Guy réorientera constamment les projecteurs vers ses pairs. Qu’il s’agisse de pionniers comme Muddy Waters dont il parlera avec une émotion non-dissimulée, ou de Stevie Ray Vaughan dont la tragique disparition reste encore gravée dans les mémoires, Buddy Guy soulignera très souvent ses propres influences, non content d’avoir lui-même marqué le paysage musical anglophone.

À travers cela, il apparaitra que la carrière de Buddy Guy est comme un gigantesque ouroboros, un éternel recommencement dans lequel le bluesman a influencé une quantité phénoménale d’artistes qui l’ont en retour influencé. Tour à tour interviendront donc de nombreux guitaristes comme Gary Clark Jr., John Mayer, Eric Clapton, Carlos Santana ou Christone ‘Kingfish’ Ingram, qui témoigneront tous de leur dette envers l’artiste.

Dans cette logique, le documentaire mettra en exergue l’un des paradoxes du blues électrique dans la seconde moitié du XXe siècle. Car tout en étant souvent mésestimés dans leur propre pays, les musiciens de la génération de Buggy Guy auront eu un impact considérable sur la scène anglaise. Cette même scène qui, par le biais des Rolling Stones, de Cream ou de Led Zeppelin, ramènera le Blues aux États-Unis et jettera la lumière sur l’extraordinaire patrimoine musical afro-américain et ses représentants.

Ainsi, sans cesse réorienté par l’humilité de l’artiste, Buddy Guy: The Blues Chase The Blues Away met en évidence une musique qui se nourrit d’elle-même et se réinvente constamment depuis plus de cent ans, portée par des artistes de tous âges et de toutes origines. Ce faisant le documentaire montrera à quel point le blues est un art universel et transmissif !

Derrière ce fascinant portrait, la parole sera donnée à quantité d’autres bluesmen au travers d’images d’archives ou d’interviews récentes. De Lightnin’ Hopkins à Christone ‘Kingfish’ Ingram en passant par Willie Dixon ou Muddy Waters, Buddy Guy: The Blues Chase the Blues cherchera à percer l’âme du blues. Chacun de ces artistes interviendra alors pour exposer sa vision de la Musique du Diable et de l’émotion qu’elle est censée susciter.

Outre une plongée au sein de la carrière d’un musicien mythique et de sa « poker dot guitar », ce portrait constitue ainsi un jalon considérable pour comprendre l’histoire et la complexité du Blues, tout autant que son apport à la musique en général. Car comme l’explique lui-même Buddy Guy : « Le plus étrange avec le Blues, c’est que vous le jouez parce que vous l’avez. Mais dès le moment où vous le jouez, vous l’oubliez (…) le Blues chasse le Blues ».