Batman : The Dark Prince Charming d’Enrico Marini

Scénario & dessin : Enrico Marini
Editions : Dargaud
Sortie : 15 juin 2018
Genre : Action, super-héros

Alors que le monde des comics traverse aujourd’hui une nouvelle crise aux États-Unis, voyant peu à peu ses ventes chuter, la société DC Comics décide de s’ouvrir davantage aux marchés européens. Cherchant ainsi à étendre son lectorat en offrant à ses lecteurs un format haut de gamme, la maison d’édition a fait appel à un auteur italien, Enrico Marini, à qui l’on doit notamment la série à succès Les Aigles de Rome.

Fasciné par la figure du Joker et la symétrie dans les tandems Batman-Catwoman/Joker-Harley Quinn, Marini a imaginé The Dark Prince Charming, un diptyque dans lequel le personnage central serait autant le Chevalier Noir que sa Némésis clownesque. Offrant une approche européenne aux héros, calquant par exemple l’esthétique de ses antagonistes sur les personnages de la Commedia dell’arte italienne ou, de son propre aveu, la coiffure du Joker sur celle de Christophe Lambert dans le film Subway, l’auteur se propose de donner corps à un « polar noir avec des touches de vert et de violet ».

Le premier tome de cette histoire, paru en novembre 2017, mettait Bruce Wayne en présence d’une ancienne conquête affirmant être la mère d’Alina, une jeune fille de huit ans qu’elle aurait eue avec l’enfant chéri de Gotham. Désireux de capitaliser sur cette découverte, le Joker enlèvera cette dernière afin de réclamer une rançon à Bruce Wayne. Le tome 2 met en scène la course contre la montre du Chevalier Noir pour sauver l’enfant.

D’entrée, il convient de souligner la qualité graphique de ces nouvelles aventures de l’Homme chauve-souris qui rappellera parfois le Batman : Absolution illustré en 2006 par Brian Ashmore. Le trait est fin et donne à voir de magnifiques plans esthétisés du Justicier de Gotham, haut perché et cape au vent. Parallèlement, le dessin de Marini est léger et possède un mouvement presque cartoonesque, propre à la bande dessinée européenne.

À cela s’ajoute un réalisme fort intéressant qui démarque ce Batman de réalisations précédentes comme par exemple le célèbre Hush (2002) de Jeph Loeb et Jim Lee : Killer Croc, à défaut d’être un lézard géant, apparaît sous les traits d’un mafieux à la peau écaillée ; le Joker quant à lui se maquille, un peu comme un acteur en représentation.

Batman : The Dark Prince Charming se rapproche également du magnifique Sombre reflet (2011) de Scott Snyder dans lequel le lecteur découvrait l’existence du fils caché de James Gordon. En approfondissant la vie secrète de Bruce Wayne, Enrico Marini intègre à la mythologie du Chevalier Noir toutes sortes de nouvelles problématiques pouvant offrir plusieurs développements intéressants. Cela témoigne d’une excellente connaissance de l’univers initié par Bob Kane et Bill Finger. Cette nouvelle aventure réussit encore à englober des éléments visuels issus tant de la bande dessinée que du cinéma – divers plans feront ainsi penser à Batman v Superman (notamment une scène de bataille dans un entrepôt).

En somme, cet apport d’Enrico Marini à la mythologie de Batman est une belle réussite qui parvient à surprendre le lecteur tout en intégrant de façon esthétique de nombreux retournements à une histoire qui, sous un aspect banal, est plus riche qu’il n’y paraît. En ressort un récit audacieux et particulièrement bien rythmé. Reste à savoir si celui-ci sera réellement intégré à l’univers général du Chevalier Noir ou s’il tient lieu de standalone.