[Avignon OFF 2023] Smile : une réussite technique au Théâtre des Béliers

De Nicolas Nebot & Dan Menasche, mise en scène de Nicolas Nebot, avec Pauline Bression, Dan Menasche, Alexandre Faitrouni. Au Théâtre des Béliers à 20h50 du 7 au 29 juillet. (Relâches les dimanches)

Smile, c’est l’histoire d’un homme qui invite une femme dans un bar pour lui déclarer son amour mais une erreur dans le nom, les fait atterrir au Mitz, un troquet de Londres plutôt qu’au célèbre Ritz. En retard, timide et stressé, il va tout faire pour essayer de s’en sortir dans cette situation difficile avec la complicité du barman. Cette soirée peut changer le destin des trois personnages. C’est sur ce pitch simple, inspiré de la jeunesse de Charlie Chaplin avant son départ pour les Etats-Unis, que Nicolas Nebot et Dan Menasche ont créé une pièce qui la particularité d’être totalement en noir et blanc. Grâce aux maquillages, aux décors, à la lumière, à la musique et au jeu des comédiens, on semble directement transporté dans un vieux film muet de l’époque (le son en plus). Mais cet virtuosité scénique n’est que le début des surprises !

Au fur et à mesure que le spectacle avance, on découvre à chaque fois de nouvelles prouesses techniques qui nous emporte dans cet univers original. Si on est d’abord impressionné par le travail sur le noir et blanc, on est ensuite rapidement conquis par les deux comédiens (Alexandre Faitrouni et Dan Menasche) et la comédienne (Pauline Bression). Et puis tout à coup, l’histoire s’arrête et se rembobine. On voit alors tout ce que l’on vient de voir se dérouler en accéléré et en marche arrière. On assiste alors à la troisième prouesse technique : on est bluffé par l’exactitude des mouvements et la chorégraphie précise qui permettent aux protagonistes de réaliser les actions à l’envers sans se gêner. Revenu au début, on assiste à nouveau au déroulement de cette soirée au Mitz. Serait-ce une sorte de boucle temporelle ? La possibilité de revivre l’histoire jusqu’à ce qu’elle finisse bien ?

La réponse sera donné au rembobinage suivant : on va découvrir l’histoire du point de vue de chaque personnage ! On se remémore alors tous les moments où, quand un personnage se parle à lui-même, les autres continuaient de vivre. Et effectivement, chacun réalise à chaque fois les mêmes gestes, même quand ils ne sont pas en avant-plan. Ces non-dits permettent aussi aux spectateurs de ne pas se lasser de revoir à chaque fois la même histoire, tant les non-dits que l’on découvre au fur et à mesure, sont importants pour comprendre tous les tenants et les aboutissants. La prouesse étant la précision avec laquelle tout le monde doit effectuer son jeu même quand ils doivent jouer en arrière-plan. Mais, il reste une dernière prouesse qui est effectuée : pour bien illustrer le point de vue de chacun, le décor tourne et l’on assiste admiratif à la capacité des comédiens de jouer leur partition à l’endroit comme à l’envers mais avec, à chaque fois, de nouveaux repères.

En résumé, si Smile a une légère faiblesse dans le rythme pendant la deuxième partie (on n’est pas encore préparé à tout le concept de la pièce), la pièce est une totale réussite technique au service d’une jolie histoire peu connue sur un monument du cinéma. Et surtout, dans un univers artistique qui rejoue en permanence les textes du répertoire, ce n’est pas tous les jours que l’on assiste à autant d’originalité dans le fond et dans la forme.

A propos Loïc Smars 484 Articles
Fondateur et rédacteur en chef du Suricate Magazine