« Annie colère », quand vintage et actualité ne font qu’un

Annie colère
de Blandine Lenoir
Comédie dramatique
Avec Laure Calamy, Zita Hanrot, India Hair
Présenté dans le cadre du FIFF 2022 et sortie prévue le 11 janvier 2023

1974, un an avant la loi Veil, à l’arrière d’une librairie de quartier, Annie retrouve des femmes anxieuses qui attentent le protocole pour se faire avorter en toute discrétion. C’est le bouche à oreille qui les a amenées dans cet espace secret où personne ne juge. Le MLAC (Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception) travaille bénévolement et illégalement pour venir en aide à des femmes de tous les âges qui n’ont aucune solution. Il n’y a jamais trop de mains pour aider cet organisme qui croule sous les demandes, jamais assez de bras pour militer dans les rues, mais surtout, jamais trop de fierté pour le combat de ce qu’on pense être juste et légitime. Annie réévalue la place conventionnelle qu’elle tient au sein de sa famille pour pouvoir, elle aussi, prêter ses mains, ses bras et son cœur aux femmes avec qui elle partage le vécu d’un IVG.

50 ans d’actualité

On a du mal à croire que presque un demi-siècle a passé depuis les luttes de la MLAC mises en avant par Blandine Lenoir. La preuve, quand on demande à la réalisatrice, lors de l’avant-première du film, dans le cadre du FIFF (Festival International du Film Francophone de Namur), si elle avait conscience de toucher un sujet en plein cœur de l’actualité, celle-ci répond qu’au lancement du projet, elle avait seulement l’ambition de rappeler l’histoire de ce groupe de personnes qui, à ses yeux, a été oublié avec le temps. L’actualité a rattrapé ce projet et l’inscrit involontairement au centre des problématiques actuelles sur l’avortement.

Solidarité

Pourquoi ce film est une réussite ? Tout d’abord, le choix des acteurs. On adore Laure Calamy qui porte ce rôle en puissance aux côtés de Zita Hanrot, India Hair et Rosemary Standley, qui donnent le sérieux et la chaleur nécessaire à ces figures féminines. Ensuite, les décors, on est plongé dans une époque qu’on ne se lasse pas de voir reproduite sur grand écran, salle enfumée, chemises multi-couleurs, papier-peints aux motifs géométriques, vaisselle fleurie… Mais, derrières ces images vintages, les relations humaines produisent le ciment du film, elles adoucissent certains passages plus difficiles qui ont la qualité de vouloir partager la réalité sur ce que ces femmes traversent. La solidarité, c’est ce qui séduit Annie pour rejoindre l’organisme, et ensuite ce qui nous séduit en tant que spectateurs.

Bouleversant et essentiel

Annie colère, c’est le retour sur un drame qui se termine plutôt bien on pourrait croire, mais cette leçon d’Histoire va au-delà des faits. On entend la colère d’Annie, on la partage et on en ressort plus fort. L’avortement est un droit, des femmes et des hommes, se sont battus pour ce droit. Les choses ont évoluées depuis, certaines ont régressé aussi. Comprendre, rentrer au cœur du sujet et se rendre compte du chemin parcouru, c’est vital. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons avoir conscience des luttes des autres pour assoir nos propres valeurs et les propager. Blandine Lenoir nous propose un film magnifique pour se reconnecter à ces valeurs.