Allosaurus : l’appel qui brise la solitude

© Pascal Gely

Mise en scène de Clotilde Morgiève et Jean-Christophe Dollé. Avec Yann de Monterno, Clotilde Morgiève, Jean-Christophe Dollé et Noé Dollé. Du 3 octobre au 21 octobre 2023 au Théâtre de Poche.

Allosaurus c’est l’histoire d’une cabine téléphonique, c’est le récit de trois personnages qui se croisent et se décroisent au fil d’appels passés et jetés comme des bouteilles à la mer. Une histoire qui conte le sentiment de solitude et de ce qu’on est prêt à faire pour combler le vide.

Allosaurus c’est aussi une pièce coup de cœur découverte par l’équipe du Poche au festival d’Avignon. L’amour ayant jailli, la compagnie française s’est vu offrir l’opportunité de rejoindre la sélection théâtrale 2023-2024 du théâtre bruxellois.

A cette occasion, le Poche a tenu à revêtir de nouveaux atours. On les comprend, il fallait se faire beau pour LE crush français. Pour les besoins de la pièce, ils ont bougé les sièges, ils ont modifié l’espace et boum ! Nous voilà plongé pour la première fois dans les coulisses sur scène. Côté cour et côté jardin, des spectateurs partout, prenant en étau le petit espace central sur lequel nos comédiens allaient évoluer.

Sont présents devant nous un musicien et une comédienne accrochée au combiné d’une cabine téléphonique qui se dresse, imposante, sur scène. La pièce débute par un monologue, celui d’un homme travesti en dame. Il téléphone à sa mère, une mère qui ne l’écoute pas beaucoup, qui le confond avec son frère, qui le préfère même à lui. Puis, ce sont d’autres personnages qui apparaissent. Une jeune femme dont on ne sait rien, si ce n’est qu’elle a peur. Elle s’appelle Loup, comme l’animal. Puis c’est un père, un peu rockeur, un peu punk, qui cherche désespérément sa fille qui a disparu.

Cette entrée en matière dans la pièce nous montre des personnages qui ne se regardent pas vraiment. Ils se parlent à peine mais se disputent ce téléphone, ce seul vestige qui leur permet d’être en contact avec le monde.

Ne plus être seul

La scénographie est épurée mais varie constamment. La mise en scène se veut dynamique et immersive. Les comédiens se déplacent constamment, sont en mouvement et puis se mettent en veille sur des chaises dispersés dans le public. Ils sont terriblement justes dans leur propos, leurs intentions et leurs sentiments. C’est une pièce qui monte en crescendo, qui volontairement casse le rythme, comme des vagues qui se fracassent contre des rochers abrupts.

On assiste à des dérives, des aller-retour perpétuels sans trop oser dire, sans vouloir parler de la vraie nature de la peine et en tissant lentement mais surement le sujet de la pièce. Les personnages sont comme des bateaux ivres, toujours tanguant d’un extrême à un autre. Couche après couche, ils se révèlent et nous comprenons. Il est question de douleur, du besoin d’être aimé et accepté tel que l’on est. Nous croyons même déceler des notions de rédemption, de culpabilité et de regrets. Les personnages errent souvent comme des spectres hantés par leur propre mort.

Mettre des mots sur les maux

Le texte est bouleversant de justesse et joué avec beaucoup de générosité et de talent. Les moments de tendresse entre les personnages sont délicatement accentués par la musique présente sur scène. Un grand bravo pour le travail sur les lumières qui donnent à la pièce son aura vaporeux et irréel.

Allosaurus est une parenthèse poétique qui parle de notre besoin d’être aimé, de la solitude qui peut accompagner ce sentiment et de l’importance de l’écoute. C’est une magnifique porte d’entrée pour parler vrai, pour arrêter les faux semblants et tenter d’aborder avec tendresse et douceur le parcours des âmes brisées.

On comprend le coup de cœur, on le soutient et on vous invite à faire de même.