À l’Ouest, l’errance au fil des mots et de l’eau

© Adèle Boterf

De Judith Ciselet. Mise en scène de Mizuki Kondo. Avec Louis Affergan Cavillon, Juliette Ban, Carole Gantner, Camille Sansterre. Du 7 mars au 11 mars 2023 au Rideau de Bruxelles.

Iels sont quatre, trois femmes, un homme, debout sur une sorte de ponton en bois qui traverse la scène de part en part. L’homme retourne la poche de son pantalon, de l’eau en coule. Une des jeunes femmes raconte qu’elle a rêvé qu’elle flottait dans l’eau verte et grise, les roulis étaient doux, il n’y avait pas de conflit entre son corps et l’eau.

« Au début j’étais pas sûr.e et puis je vous ai vu.es toustes là. je me suis dit c’est sûrement là si iels sont toustes là. » Apparemment, personne ne sait si c’est le bon endroit même si l’une pense que « ce serait vraiment fort d’être autant à se tromper ».

Toustes sont en partance pour un ailleurs indéfini, imprécis, mais qui promet d’être plus doux, plus calme. Un ailleurs loin de l’autre qui part mais que l’on ne veut pas supplier, loin de l’autre que l’on quitte parce que cela ne peut plus fonctionner, parce que cela ne fonctionne déjà plus, loin du travail dont on change tous les mois, loin du bruit que font les gens, loin de tout carnage, s’il vous plaît.

Avec À l’Ouest, texte lauréat du premier festival de lectures-spectacles Lis-Moi Tout organisé par le Rideau et le Jean Vilar, Judith Ciselet explore le rapport entre le groupe et les individualités qui le composent dans une langue simple, fluide, et résolument inclusive. Le texte, mis en voix par Françoise Berlanger et en scène par Mizuki Kondo, bouscule les codes du théâtre et de la narration. Les personnages sont là mais on ne sait pas vraiment où, et iels ne semblent pas en savoir plus. Les temps semble également avoir disparu, seul reste le présent, l’instant où iels se parlent, s’écoutent, ou pas…

Les comédiennes et comédiens (Louis Affergan Cavillon, Juliette Ban, Carole Gantner et Camille Sansterre) mouillent leur chemise au propre comme au figuré. L’eau est en effet omniprésente tout au long de la pièce, dans le bruit des vagues ou de la pluie, dans des récipients, suintant du plafond, lancée à la figure de l’autre, renversée sur soi. Comme si les personnages disparaissaient progressivement, s’effaçant devant les flux de liquides.

Pour écrire À l’Ouest, Judith Ciselet est partie d’un exercice d’écriture sur le thème « Désirer devenir », rédigé durant son master à l’Insas. Ses personnages désirent effectivement, si pas devenir, à tout le moins être dans une société faite d’injonctions et dans laquelle personne ne s’en sort vraiment. « Je pense, explique l’autrice, qu’on a toustes besoin de s’arrêter un moment sur le côté de la route et de se donner de la tendresse, à soi-même et/ou aux autres. »