« A l’ombre des loups », l’histoire terrible des enfants-loups

Titre : A l’ombre des loups
Auteur : Alvydas Slepikas
Editions : J’ai Lu
Date de parution : 3 février 2021
Genre : Roman

L’écriture de A l’ombre des loups tenait à cœur à l’auteur lituanien Alvydas Slepikas. Il a ainsi pu faire sortir de l’ombre les « enfants-loups », ces jeunes Allemands, qui, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, ont quitté leur pays, pourchassés et exterminés par les Russes. Leur but : trouver refuge en Lituanie.

L’action se déroule en hiver 1946 en Prusse-Orientale. A l’époque, ce territoire jouxtant entre autres la Lituanie, faisait partie intégrante de l’Allemagne. Eva et ses cinq enfants Heinz, Brigitte, Monika, Renate et Helmut incarnent cette histoire. Une famille allemande, comme tant d’autres, qui s’est fait chasser de sa maison par les soldats russes et vit désormais entassée dans une remise. Face au froid et à la faim, ils ne doivent leur survie que grâce à de pauvres rapines ou à la nourriture rapportée par le fils aîné, régulièrement en route pour la Lituanie voisine afin d’échanger quelques jours de travail contre un peu de pommes de terre, de fromage ou de lard.

Suite aux aléas de la Guerre, la famille se retrouve éparpillée. Qui rejoindra la Lituanie ? Qui mangera à sa faim ? Qui dormira en sécurité ? Voilà les questions essentielles d’un roman qui inverse la situation des citoyens Allemands de l’époque telle qu’on a l’habitude de la voir évoquée en littérature ou au cinéma. Sans oublier le froid qui constitue un ennemi aussi mortel que les fusils russes. L’auteur ne nous épargne pas non plus les sentiments les plus noirs, les plus fous et les plus désespérés qui tiraillent certains personnages, parfois à l’égard de personnes du même sang.

Si vous n’avez pas la pêche, autant remettre cette lecture à plus tard. Cette histoire qui prend souvent des allures de conte (macabre) par certains clins d’œil aux marâtres, aux peurs infantiles et aux masures dans la forêt, est une lecture difficile où les temps morts qui permettraient au lecteur de souffler un peu sont clairsemés. Et pourtant, malgré cette tension continue, le roman se lit d’une traite. Non seulement par sa mise en page aérée (ah ! un peu d’oxygène tout de même!), son style sans fioritures mais également parce qu’on voudrait savoir ce qu’il va advenir des membres de cette famille et que le supplice dans lequel on est plongé prenne fin. Enoncé comme ça, lire ce livre paraît un peu maso, mais l’histoire de ces jeunes, victimes de la politique dictatoriale de leur pays, mérite amplement un coup de projecteur.

En effet, dans les villages où il ne restait quasiment plus que des femmes et des enfants, les fuyards vers la Lituanie étaient principalement les plus jeunes qui, à la moindre alerte, n’avaient d’autre choix que de se terrer dans la forêt. C’est ainsi qu’ils ont écopé de cette appellation d’« enfants-loups ».

Bref, une lecture que nous vous recommandons chaudement pour découvrir une facette moins connue de l’histoire de la Guerre qui va de pair avec la folie des Hommes. Et puis il est tellement rare de pouvoir lire des traductions françaises d’auteurs lituaniens, que vous auriez tort de vous en priver !