A Most Violent Year de J.C. Chandor

a most violent year affiche

A Most Violent Year

de J.C. Chandor

Drame, Thriller, Policier

Avec Oscar Isaac, Jessica Chastain, David Oyelowo, Albert Brooks, Alessandro Nivola

Sorti le 4 février 2015

Pour son troisième long-métrage (après le très remarqué Margin Call et All is lost), Jeffrey C. Chandor revisite avec succès le début des années 80 à New-York et brosse le portrait d’un immigré bien décidé à embrasser le rêve américain et à faire sa place dans le monde du pétrole.

Mais qu’on ne se fie pas aux images d’Épinal, avec A most violent year, on est loin du veau d’or de Wall Street et des yuppies à la réussite arrogante et au sourire carnassier. L’histoire se déroule en 1981, statistiquement l’une des années les plus violentes dans l’histoire de la ville, soit deux ans après le deuxième choc pétrolier de 1979.

À la veille d’un achat important pour l’expansion de sa société de fuel, Abel Morales se heurte à des dangers provenant de toutes parts (violence galopante de gangsters, corruption rampante, contrôles fiscaux du procureur du district) qui menacent de détruire tout ce que lui et sa famille ont construit. Homme d’affaires de sang-froid, à la force tranquille et au regard fixe, Abel a toujours mis au sommet de ses qualités professionnelles sa droiture morale. Un carburant éthique qui n’est pas vraiment celui de ses concurrents, tous prêts aux pires bassesses pour l’évincer du marché. Dans un New York sombre et glacial, il doit faire face aux détournements de plus en plus fréquents de ses camions par des hommes armés. Un de ses chauffeurs, gravement blessé suite à une agression de gangsters, peine à reprendre la route sans arme.

Lent au démarrage, A most violent year est peu comme un moteur diesel dans un pays froid : une fois parti, il ne s’arrête plus. JC Chandor, réalisateur qui appartient à la mouvance du jeune cinéma indépendant américain, a le don de filmer au cordeau et de distiller une tension (tantôt lente, tantôt avec des accélérations brusques) de tous les instants. À la manière de Sidney Lumet, maitre du polar engagé et humaniste (dont il est un grand admirateur) Chandor bouscule les règles de la narration classique. Sa caméra n’épouse pas le point de vue des criminels mais palpe constamment la tension de son héros, l’homme intègre essayant de survivre dans un cadre délétère. Comme Lumet, il peint le désenchantement d’une ville qui ne respecte plus rien et se fait écho des difficultés d’adaptation d’une certaine conscience morale à la jungle new-yorkaise. Abel Morales doit faire face à une solitude pesante, une violence oppressante et un trouble permanent qui s’amoncellent tout comme la neige à New York.

Outre sa mise en scène bien calibrée, le film doit également sa montée en puissance à la qualité d’interprétation d’Oscar Isaac et de Jessica Chastain. Dans la peau de l’homme d’affaires à la foi inextinguible et à la rhétorique redoutable, Isaac se révèle tout simplement magnétique. Au départ, c’était Javier Bardem qui était pressenti pour incarner le personnage principal d’origine hispanophone en quête de fortune mais il a été évincé au dernier moment par l’acteur d’ Inside Llewyn Davis qui a fait ses classes à la prestigieuse Juilliard school tout comme Jessica Chastain. En épouse, femme d’affaires et mère au caractère bien trempé, l’actrice deux fois nommée aux oscars pour ses rôles dans Zero Dark Thirty et la couleur des sentiments se défend plus qu’honorablement. Pour les besoins du film, la belle rousse vire au blond et adopte élégamment le look 80’s. Oscar Isaac et de Jessica Chastain dégagent une étrange alchimie à l’écran. Ils forment un couple riche en contrastes qui fonctionne à merveille, mis en valeur par une belle photographie au ton ocre qui joue régulièrement avec des portraits d’ombres et de lumières.

L’ambiance oppressante du film est aggravée par une bande-son lancinante et par de longs plans fixes de paysages enneigés et troubles qui accentuent l’isolement du couple. Mais les plans statiques sont régulièrement contrebalancés par des scènes d’action très réussies, notamment une course poursuite haletante.

Quant au final, il nous renvoie à un cheminement assez nébuleux où une certaine morale est atteinte par des voies que d’aucuns considéreront comme immorales. Il n’est pas non plus sans rappeler que, quel que soit le chemin emprunté, le rêve américain a un prix et qu’il se réalise difficilement sans dommages collatéraux humains.

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