
Partir un jour
Réalisatrice : Amélie Bonnin
Genre : Comédie romantique
Acteurs et actrices : Juliette Armanet, Bastien Bouillon, François Rollin
Nationalité : France
Date de sortie : 21 mai 2025
Il y a des films lourds et il y a des films légers. Il a des films sérieux et d’autres qui se prennent au second degré. Globalement, le cinéma, l’art en général, grosso modo, se prend très au sérieux. Mis à part la comédie et quelques films de superhéros ou d’aventure, le cinéma c’est du sérieux, du profond, du « regardez comment je suis un poète torturé ». Le trait est sans doute assez grossi dans cette dernière phrase mais il est bien rare et, pour être honnête, assez ressourçant, de tomber sur un long-métrage qui n’a pas d’ambitions démesurées, qui veut simplement raconter l’histoire de gens normaux, à qui il arrive des trucs normaux. Un long-métrage qui ne cherche pas à tout prix à nous tirer des rires ou arracher des larmes. Partir un jour, comme Le Grand bain ou Comment c’est loin, fait partie de cette catégorie de films à taille humaine qui ne pète pas plus haut que son cul. Un vrai feel-good movie qui ne révolutionne rien mais qui fait un bien fou.
On peut trouver ça un peu fort de parler de gens normaux à qui il arrive des trucs normaux pour un film dont l’histoire est celle d’une cheffe qui monte et qui s’apprête à ouvrir son restaurant gastronomique en plein cœur de Paris après avoir gagné Top Chef. Mais je garde cette appellation, parce que dans Partir un jour, la véritable histoire est ailleurs. La véritable histoire, c’est celle d’une femme quasiment contrainte de rentrer dans sa campagne natale après l’infarctus de son père. Dix ans après l’avoir fui pour aller à la capitale, la voilà replongée dans l’univers de son enfance, spectatrice d’un monde où, à la fois, tout et rien n’a changé, où elle n’est plus chez elle sans être une étrangère.
Partir un jour parlera donc à toutes celles et ceux qui ont quitté leurs petites villes et leurs villages pour rêver plus grands, mais qui ont laissé derrière eux des amis, des amours et des amants. Et, même si partir s’est fait sans l’ombre d’un doute, même si la volonté de revenir n’existe pas vraiment, il y a une nostalgie, une mélancolie, un goût doux-amer à retrouver tout ce à quoi on a abandonné, à imaginer tout ce qu’on aurait pu être. Si le film incarne absolument le mantra « choisir, c’est renoncer », dicton terrifiant à bien des égards, il va plus loin, préférant quelque chose qu’on pourrait verbaliser comme « choisir, c’est avancer ». Et cette version est beaucoup moins culpabilisante que la première, elle est même carrément décomplexante.
Parce que d’une part, elle nous rappelle que rien n’est définitif, Cécile a beau être partie il y a dix ans, si elle le voulait, elle pourrait tout à fait revenir de manière pérenne dans le restoroute de ses parents. Et cette absence d’irrémédiabilité amène un regard plus posé sur ses choix : « choisir c’est renoncer, mais temporairement, la vie c’est long ». Ensuite parce que le principe « d’avancer » implique moins la vision dichotomique du bon choix et du mauvais choix (vision aussi apportée par le caractère irréversible du terme « renoncer »). Ainsi, s’il n’y a pas un bon choix et un mauvais, alors on admet un peu plus les embuches amenées par ce qu’on a décidé.
Le film incite donc à oser d’une part, mais aussi à vivre en paix avec ses choix, à accepter de se tromper et à s’accepter soi-même. C’est peut-être bisounours et d’aucuns trouvera ça niais, mais c’est un feel-good movie en fait, et ça n’empêche en rien d’apprécier la profondeur tourmentée des autres films à l’affiche du Festival de Cannes. C’est peut-être ce dernier aspect, le plus bisounours soyons sincère, qui enjoint le plus à décomplexer, le s’accepter soi-même. Parce que les personnages sont normaux, aucun d’eux n’incarne une trajectoire fulgurante, même Cécile dont la plus grande réussite n’est finalement que d’avoir gagné un genre de télé-crochet. Aucun d’eux ne semble véritablement souffrir de cette situation, tous trouvent une part de bonheur sans nier les aléas de l’existence.
Aussi, mis à part Cécile, joué par Juliette Armanet, aucun des personnages ne chante bien, et ce qui pourrait être tout à fait banal dans un long-métrage classique l’est beaucoup moins dans un film musical. Oui, ils sont normaux, ils ont des vies normales et ils chantent comme des quiches. Mais, ils chantent. Ou, du moins, ils osent chanter, ce qui n’est pas facile quand on chante comme une quiche. Et cette caractéristique rapproche un peu plus le film de l’esthétique du karaoké, un endroit où on ne se prend pas au sérieux, où on ose, où le but est uniquement le plaisir sans trop penser au lendemain, où on doit choisir mais où rien n’est véritablement un échec. On retrouve d’ailleurs l’esprit du karaoké jusque dans le générique du film où les lettres blanches se colorent en rythme. Bref, Partir un jour ça donne envie de chanter, de vivre, de ressentir des trucs et de le dire aux personnes pour qui on ressent ces trucs, ça donne envie de tenter SOS d’un terrien en détresse ivre mort à trois heures du matin. Enfin, moi c’est ces trucs-là que j’appelle oser, pour vous ça sera sûrement d’autres choses, mais ça vous donnera franchement envie de les faire.