1984 au Théâtre du Parc : George Orwell à l’heure des fake news

De Thierry Debroux et d’après George Orwell, mise en scène Patrice Mincke, avec Perrine Delers, Julie Dieu, Béatrix Ferauge, Fabian Finkels, Muriel Legrand, Pierre Lognay, Guy Pion, les enfants Ava Debroux, Laetitia Jous ou Babette Verbeek et les figurants Pauline Bouquieaux, Johann Fourrière, Laurie Gueantin, Vanessa Kikangala, Barthélémy Manias-Valmont, Romain Mathelart, Franck Moreau et Lucie Verbrugghe. Du jeudi 7 mars au samedi 6 avril 2019 au Théâtre Royal du Parc.

Porter sur scène le chef d’œuvre de George Orwell qui marque encore l’inconscient collectif est un véritable défi  qui suscite forcément la curiosité. Pari amplement réussi grâce à une écriture et une mise en scène qui plongent littéralement le public dans l’univers cauchemardesque de 1984 en prise avec notre époque.

Mise en immersion des spectateurs

L’écriture, tout d’abord, utilise le public comme s’il assistait à un spectacle de propagande destiné à l’empêcher de suivre le « mauvais exemple » du personnage principal, Winston Smith. Les spectateurs sont ainsi régulièrement interpellés par le narrateur, joué par le brillant Guy Pion, qui incarnera tour  à tour la mauvaise voix dans la tête du malheureux héros et O’Brien, cadre du Parti.

La mise en scène, ensuite, est totalement immersive: éclairages, projections vidéo faisant la part belle au fameux Big Brother, musique originale parfois anxiogène et chorégraphies exécutées par de nombreux figurants ne laissent aucun répit. Mention spéciale pour le décor, cette imposante structure de plusieurs niveaux qui, en pivotant nous fait passer de l’appartement de Winston au Ministère de la Vérité puis au Spermaton et ainsi de suite. Si ces changements ralentissent  légèrement le rythme par ailleurs haletant de l’action, ils ont l’intérêt de nous faire passer progressivement d’un univers claustré à un environnement plus ouvert, reflétant l’évolution du personnage qui va libérer peu à peu son esprit critique et son comportement. Les chansons qui parsèment la pièce font retomber la pression en offrant des moments soit  introspectifs soit humoristiques, comme la très amusante « Femmes du Parti ».

Quoique la scénographie emprunte beaucoup au spectacle musical, elle laisse tout de même le jeu des acteurs -tous excellents- s’épanouir pleinement et reste entièrement au service du fond.

George Orwell à l’heure des fake news

La pièce aborde presque tous les sujets de la dystopie visionnaire d’Orwell décrivant le totalitarisme tout en lui donnant un écho propre à notre époque contemporaine. Les individus se trouvent donc sous la surveillance constante du prophétique télécran ainsi que des androïdes. Le contrôle exercé par les voisins, les collègues l’est également par des écrans portés autour du cou. Lors de la minute de la haine, les personnages sont invités à huer un rebelle sur un écran où apparaissent également des messages de type Twitter.

L’activité du Ministère de la Vérité, où est employé Winston, qui consiste à modifier les évènements, changer l’histoire et réduire le nombre de mots afin de simplifier les idées, trouve également une résonnance particulière en cette époque de fake news.

Le héros va se rebeller contre ce monde où toute individualité est annihilée, la délation encouragée et la méfiance de mise, même envers ses propres rêves. Son entrée en résistance se traduira tout d’abord par le fait de tomber amoureux de Julia. Puis nous suivrons les mésaventures du jeune couple.  

On est happé du début à la fin de ce spectacle ébouriffant. Si vous avez aimé lire 1984, vous pouvez plonger sans crainte dans cette adaptation très réussie.

A propos Sophie Karides 11 Articles
Chroniqueuse du Suricate Magazine