Avis de décès : Un polar chinois habilement construit

Titre : Avis de décès
Auteur : Zhou Haohui
Editions : Sonatine
Date de parution : 13 juin 2019
Genre : thriller, policier

Ce roman policier relate la course folle entre un tueur en série et les policiers de la ville de Chengdu. Ce premier opus d’une trilogie best-seller en Chine, débute en 2002 sur l’assassinat d’un officier de police lié avec des meurtres commis vingt ans auparavant, ce qui va provoquer la réactivation de la cellule spéciale qui avait enquêté à l’époque. A mesure de sa progression, l’enquête sur les meurtres les plus récents apportera un éclairage changeant sur les évènements passés et sur leurs acteurs.

Ce premier volet instaure un jeu de miroir intéressant entre les forces de l’ordre et le tueur, tout en entretenant le mystère sur la personnalité de ce dernier. Ainsi le meurtrier établit un jeu de manipulation avec les policiers et, comme dans un monde à l’envers, semble même les traquer. On s’interroge également sur son véritable mobile. Le serial killer de pose en justicier quasi-divin en se nommant Euménide et en présentant ses crimes comme une punition envers ceux dont la position sociale a permis l’immunité. Il distribue ainsi des avis de décès à ses victimes, indiquant le crime pour lequel elles sont punies et la date de leur châtiment. Cette ambiguïté des relations entre bourreau, victimes et policiers a pour intérêt d’interroger le lecteur sur la morale et les travers de notre société. Les enquêteurs paraissent d’ailleurs plus préoccupés par l’image d’impuissance que renvoient leurs échecs que par le sort des victimes. C’est le cas avec cette femme d’affaires menacée qui semble surtout leur servir d’appât ou lorsqu’ils échangent paisiblement auprès d’un homme entravé à la langue fraîchement coupée.

Chaque membre de la cellule joue un rôle précis dans les rouages de l’enquête. Mais le manque de descriptions des personnages les limite à quelques clichés sans leur donner de l’épaisseur. On rencontrera par exemple le colérique capitaine Han, Mu la psychologue fine mouche et Zeng l’expert en hautes-technologies un peu lourd. On aurait également apprécié plus de détails sur la ville de Chengdu et son ambiance.

Lire la version française de ce roman est certes une chance puisqu’à l’inverse de l’originale chinoise, elle n’a pas été expurgée par les censeurs. En revanche, l’exercice peut s’avérer fastidieux en raison d’une traduction – elle-même issue de la version anglaise – assez poussive. La multiplication des dialogues et les nombreux personnages aux noms monosyllabiques parfois très proches (par exemple Zeng et Zheng ou Yin et Jin) entravent aussi la fluidité de la lecture. La construction habile d’Avis de décès en fait malgré tout une lecture intéressante et donne envie de connaître la suite.

 

A propos Sophie Karides 11 Articles
Chroniqueuse du Suricate Magazine