Jusqu’à la garde, un drame aux allures de thriller

Jusqu’à la garde

de Xavier Legrand

Drame, Thriller

Avec Denis Ménochet, Léa Drucker, Mathilde Auneveux

Sorti le 21 février 2018

Des bruits de talons résonnent. Les premiers personnages parcourent des couloirs aseptiques à une allure rapide et nerveuse qui annonce d’emblée le caractère tendu du film. La famille Besson se sépare. Miriam (Léa Drucker) et Antoine (Denis Ménochet) sont face à la juge avec leurs avocates respectives pour discuter de la garde de leur enfant de onze ans, Julien (Thomas Gioria), qui manifeste son insécurité par rapport aux prétendues violences de son père et qui ne veut pas avoir affaire à lui. Pour cette raison, Miriam demande à en avoir la garde exclusive. Quant à leur fille Joséphine (Mathilde Auneveux), elle est bientôt majeure et a donc déjà décidé de rester avec sa mère. Cependant les plaidoiries des avocates sont déconcertantes, toutes deux convaincantes. Antoine est-il l’homme violent dépeint par son ex-femme ? Qui a raison ? Qui manipule ? Qui joue aux victimes ? Prise par les mêmes doutes, la juge accorde la garde partagée de Julien.

Ainsi, Xavier Legrand nous entraîne dans un quotidien intrigant et de plus en plus étouffant. Sans grandes manifestations sentimentales mais plutôt dans un calme troublant, il nous révèle la souffrance d’un homme qui tente de se rapprocher de son fils et de sa famille. Il règne une atmosphère inquiétante durant tout le film. Le spectateur est plongé dans une attention presque gênante au moindre détail, à la moindre parole ou gestes mal placés qui pourraient causer l’explosion, réveiller cette violence attendue avec crainte.

Jusqu’à la garde, premier long métrage du réalisateur, est une œuvre qui se révèle impressionnante. Un coup de point dans le ventre qui arrive sans vouloir faire sensation. C’est avec le souffle coupé que nous observons la famille Besson se déplacer, se rencontrer, se regarder, par des plans qui passent d’un visage à un autre accompagnés des bruits du quotidien. En effet, peu de musique accompagne les scènes du film ; le suspens est renforcé par des sons tels que le clignotant de la voiture ou le bip désagréable de la ceinture de sécurité, ou encore par des échos dans les couloirs des bâtiments. Cet aspect naturel de l’ambiance sonore se joint au jeu parfait des acteurs et nous plonge dans le concret d’une réalité qui malheureusement existe. Xavier Legrand dénonce les situations de violence conjugale en nous prenant aux tripes tout en finesse. Le film met notamment en garde sur la duplicité dont peuvent faire preuve ces personnes qui portent une blessure profonde en eux, enfermées dans un déni et un mal-être qui les rends irascibles et dangereuses.

Malgré la longueur de certaines scènes et de quelques silences qui peuvent sembler d’une lenteur décourageante par moments, le film mérite d’être vu et apprécié. Il s’agit d’un drame original qui expose une réalité humaine de manière insolite et qui peut éveiller bien des consciences sur un sujet presque tabou encore de nos jours.

A propos Donata Vilardi 25 Articles
Journaliste du Suricate Magazine