« Un bonheur sans pitié » : une lecture plus glaçante qu’un Mister Freeze.

Titre : Un bonheur sans pitié
Auteur : Eric Genetet
Editions : Héloïse D’Ormesson
Date de parution : 2 mai 2019
Genre : roman

Quel livre les amis ! Un très court roman, mais une véritable claque ! Un bonheur sans pitié, c’est l’histoire un peu banale de deux amoureux, Marina et Torsten, qui viennent de se rencontrer. On a droit aux classiques papillons dans le ventre, messages neuneus dégoulinants de tendresse, marathons addictifs de fesse de haut niveau, déballage de photos sur les réseaux sociaux pour montrer combien on est mignons et heureux. « Avec lui, elle apprend à aimer les dimanches soir, et les lundis matin ». C’est dire ! Bref, c’est le début d’un beau roman, une belle histoire comme dirait l’autre.

Et puis après quelques temps, ça dérape. Pour une broutille qui n’est pas au goût de Torsten, ce dernier dévoile un aspect de sa personnalité qui était jusqu’ici inconnu de la jeune femme. Il est par moments tranchant, voire blessant. Le lecteur détecte un début de signal d’alarme, mais Marina, déjà trop engluée dans ses sentiments, est convaincue de la voix de la raison de son amant. Et le monsieur sait se montrer persuasif. C’est le tour de passe-passe préféré des manipulateurs, et cette magie noire ira crescendo.

Eric Genetet nous dépeint une relation effarante de destruction psychologique qui transformera de façon insidieuse une jeune femme vive et indépendante en une vielle carpette élimée sur laquelle Torsten jouira de son emprise.

Un bonheur sans pitié se lit à la façon d’un thriller, à savoir d’une traite, parce qu’on ne peut pas faire autrement, et l’on veut simplement découvrir s’il y aura des limites à cette histoire. Et l’on finit par être aussi noué que lorsqu’on lit un livre horrifique, sauf qu’ici point de zombie ou de suceur de sang. Les manipulateurs sont des personnes bien réelles qui, dès qu’elles ont repéré leur proie, deviennent des prédateurs détruisant tous les repères de la normalité de leur victime.

Le style simple et direct d’Eric Genetet est parfait pour immerger le lecteur au sein de ce couple. Il a également eu l’intelligence de faire alterner les points de vue de Marina et de Torsten pour avoir les deux versions des évènements. Le lecteur perçoit de cette façon le mécanisme vicieux du persécuteur se sentant persécuté, magnifiquement bien développé par l’auteur.

Au final, un livre à mettre entre toutes les mains, car même si dans ce roman, la perversité du personnage est poussée à son paroxysme, chacun peut remettre en perspective la vision qu’il a de soi-même au sein de la famille, du couple, d’une amitié. N’est-on pas un peu tous manipulés et manipulateurs ?

Bonne lecture à vous…