Rencontre avec Antoine Chance, lauréat des Octaves de la Musique

Le 9 mars dernier, avait lieu la douzième cérémonie des Octaves de la Musique. Cette cérémonie récompense les artistes les plus talentueux de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Nous vous avions déjà proposé une interview du groupe LG Jazz Collective qui avait remporté la catégorie Jazz. (A lire en cliquant ici)

Voici à présent une interview avec celui qui remporta le prix d’Artiste de l’année (rien que ça!), le très talentueux Antoine Chance, pour son magnifique album : Fou.

Alors, vous le savez très certainement, Antoine n’est autre que le fils du dessinateur Philippe Geluck. Ceci étant dit, gardez-vous de le juger, car vous découvrirez (au travers de cette interview exclusive qu’il nous a accordé quelques jours avant la cérémonie des Octaves) que cet artiste est bourré de talent, très humble et qui a un univers pertinent qu’il défend très bien sur scène et dans ce très bon album qui vient de sortir également en France.

Bonjour, Antoine Chance.

Pour commencer, j’aimerais que vous nous parliez de la genèse de cet album. Était-ce un projet de longue haleine que vous nourrissiez depuis longtemps?

Oui, cela faisait longtemps que je souhaitais faire ce disque. J’ai d’abord existé au travers d’un groupe. C’était un peu mes premiers émois artistiques.

Le cheminement a été long parce que j’ai un côté perfectionniste. J’avais envie de faire les choses de façon consciencieuse. Je voulais faire bonne impression tout de suite. Je voulais répondre à d’importantes questions qui sont parfois d’ordre thérapeutiques. C’est sans doute pour cela que l’album s’intitule Fou. C’est une de mes toute première chanson et j’y suis très attaché.

Après, il y a des chansons plus récentes comme Bye Bye mais il est vrai que cette démarche de faire un disque est née il y a longtemps.

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Alors, on peut dire que vous avez toujours baigné dans un univers artistique de par l’activité de votre père.

Oui, il est certain que lorsque j’entrais dans son atelier et que je le voyais préparer un dessin, une vidéo,… Quand je croisais les gens talentueux et heureux qui venaient le voir.

Quelque part, j’ai toujours connu cela. Et donc, naturellement, j’ai eu cette vision du monde avec d’une part les comptables qui s’ennuient et d’autre part, les rigolos qui s’amusent.

Et puis à un moment donné, j’ai essayé de changer cela en moi et de redevenir sérieux en me disant que cette vie artistique ne déboucherait sans doute sur rien, qu’il me fallait une situation stable, etc.. Mais ça n’a pas duré très longtemps. Parce que la création artistique est comme un carburant pour moi. Par exemple, quand j’ai du mal à pondre quelque chose, cela déteint sur mon humeur. Et lorsque j’ai moins l’occasion de jouer de la musique, je me sens moins bien.

Ce disque est vraiment étonnant et d’ailleurs, pour être honnête, je trouve qu’il ne sonne pas comme un premier album.

J’ai énormément travaillé sur ce disque parce que je voulais faire un album parfait. J’ai pris beaucoup de temps et d’énergie pour le rendre parfait. J’ai passé beaucoup de temps à choisir les mots, construire les mélodies, faire des arrangements. J’ai travaillé avec Renaud Letang qui est un grand réalisateur et qui a travaillé avec des gens comme Souchon, Feist ou Eddy Mitchell.

Justement, comment s’est passée cette collaboration avec Renaud Letang ?

Je pense que j’avais besoin d’être dirigé par quelqu’un de sa trempe. Il a su trancher (ce qui n’était pas facile). Il me fallait quelqu’un en qui j’avais une confiance totale. C’est quelqu’un qui a une culture du «hit». Mais en même temps, il prend des risques à chaque fois et il est charismatique dans le son qu’il propose. J’aimais bien cette notion de risque en travaillant avec lui. Je garde donc un très bon souvenir de cette collaboration.

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Que pensez-vous de la scène belge actuelle ?

Je trouve qu’il y a beaucoup de choses intéressantes. Évidemment, il y a Stromae. Mais au-delà de cela, il y a pas mal d’artistes comme Puggy qui arrivent à percer mondialement. Parfois ça tient à très peu de choses. Il y a toujours du travail derrière, mais y a aussi une grande part de chance. (C’est aussi ce que mon pseudo souligne) Pour ma part, j’ai eu beaucoup de chance car il y a d’autres artistes qui ne sont pas moins talentueux.

Je souhaiterais revenir sur votre disque. Vous avez signé chez Universal dès votre premier disque. Or, le fait d’être tout de suite suivi par un gros label, c’est quelque chose qui peut paraître étonnant aujourd’hui pour un artiste belge francophone.

En effet. Mais comme je le disais, cela fait longtemps que je travaille la composition et les collaborations avec différents auteurs. J’ai signé alors avec Universal Publishing. Et, pour la petite histoire, j’ai donné des démos à un ingénieur du son avec qui on avait bossé à l’époque. Celui-ci les a donc passé à un directeur artistique. Quelques mois plus tard, je recevais un appel de ce monsieur qui me dit: « Comme tout bon directeur artistique, je n’ai d’abord pas écouté ta démo pendant trois mois. (Rires) Et finalement, j’avais rien à présenter pour une réunion d’écoute. » Et donc, il a écouté cela et a vraiment aimé. Il m’a donc proposé un deal. Ensuite, on m’a demandé d’écrire pour Jennifer. Je suis donc parti en séminaire d’écriture avec d’autres musiciens. C’était une expérience assez géniale. Au final, j’avais écrits quatre chansons plus un single. Et j’ai donc signé un contrat avec Universal Music suite à cela. Mais il est vrai que tout cela s’est passé en France et non ici, en Belgique. C’est le fruit de bonnes rencontres et de beaucoup de travail.

Il est vrai que vous avez eu beaucoup de chance de pouvoir faire ce deal. Quand on parle aujourd’hui à des artistes de divers horizons, la plupart disent qu’ils souffrent beaucoup du système actuel. Qu’ils ne parviennent pas à tourner ou financer leur album.

Oui, je crois qu’on ne pourrait pas être plus bas actuellement. C’est un monde devenu extrêmement difficile. Y a bien sûr la radio qui a permis à l’une de mes chansons  (Fou) de devenir la chanson la plus diffusée en Belgique francophone. Du coup, on a eu 50 concerts programmés en Belgique francophone! C’est un peu du jamais vu. D’autant que les gens étaient au rendez-vous. Mais il est clair que sans la radio, on aurait jamais eu ça.

 

L’avantage avec cette tournée, c’est que peu importe le succès en radio, vous avez trouvé votre public.

Oui, c’est assez irréel d’ailleurs pour moi. Le fait que les gens paient un ticket pour venir me voir. C’est quelque chose de très bizarre et j’ai toujours du mal à y croire.

Il est vrai que le fait d’accéder rapidement à une certaine renommée doit être quelque chose de très surprenant.

Oui, mais je pense qu’il y a plein de façons d’exister et d’y arriver. Tout d’abord, il est très important de savoir ce que l’on veut faire et de viser ce but coûte que coûte. Et après, il y a tout un travail à faire entre avoir un entourage professionnel et conserver ses propres convictions. C’est quelque chose qui parfois, est très difficile : savoir qui écouter (les autres ou soi-même).

J’ai peut-être une façon un peu utopiste de penser qu’à force de persévérance, on peut exister parmi la multitude d’artistes.

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C’est aussi là que se trompent les artistes « commerciaux » car, au fond, ceux que l’on retient sont ceux qui nous ont touchés et qui non ceux qui ont choisi la facilité.

En même temps vous avez un univers et vous avez réussi à vous détacher de cette image de « fils de » qui a dû vous coller un peu au début.

Oui, il est vrai que la presse revenait souvent avec cette question au début. Mais j’ai fait la paix avec cela. J’ai voulu construire quelque chose de solide avant tout. Après, libre aux gens de m’aimer ou non.

Et qu’en a pensé votre père ?

Je le sens très fier, en fait. C’est quelqu’un qui nous a toujours soutenu et qui essaie de ne pas prendre trop de place dans notre vie. Il y a un équilibre qui fait que l’on vit tout cela de façon heureuse.

Merci beaucoup de nous avoir accordé un peu de votre temps pour cette entrevue.

A bientôt !

Merci à vous.

N’hésitez pas à aller voir Antoine Chance, il donnera encore une mutlitude de concerts avant de se produire aux Francofolies de Spa le 20 juillet prochain.

Pour plus d’infos, rendez-vous sur son site www.antoinechance.com en cliquant ici

Voici également Parader en enfer, son nouveau clip :

A propos Christophe Pauly 485 Articles
Journaliste et photographe du Suricate Magazine

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