Rencontre avec Alain Baents, pianiste au service du cinéma muet

Le public a pu redécouvrir le cinéma muet ce jeudi 6 décembre à Ottignies, non dans les salles obscures mais bien au Centre culturel d’Ottignies-Louvain-la-Neuve. Une projection organisée par Coup de Pouce à l’Avenir, une ASBL qui vient en aide à des adultes atteints d’un handicap léger, notamment en leur procurant un logement communautaire, des activités valorisantes et des divertissements. Une occasion de se dépasser, de faire des rencontres et d’évoluer en groupe.

Au programme, des courts-métrages du XXe siècle sur lesquels Alain Baents, enseignant dans le secondaire et le supérieur ainsi que pianiste à la Cinematek, a improvisé.


Depuis quand avez-vous ce projet d’improvisation sur des courts-métrages muets avec l’asbl Coup de Pouce à l’Avenir ?

J’ai été contacté il y a deux ou trois mois et l’on s’est mis d’accord sur le projet et l’esprit que l’on voulait donner à cette soirée. Mais je n’ai pas fait un travail spécifique de préparation, car je fais des improvisations au piano depuis 1983. Je connaissais déjà ces films, c’est donc une improvisation au moment même et je fouille tout simplement dans ma mémoire musicale.

Y a-t-il différentes façons d’accompagner au piano un film muet ? Si oui, lesquelles ?

Oui, on peut soit interpréter des partitions faites pour ces films, soit composer une production originale – j’ai des collègues qui se sont spécialisés dans cela -, soit sélectionner des musiques existantes qui conviennent bien à chaque séquence narrative, soit projeter des films muets sans accompagnement musical du tout, ou comme moi, improviser à l’image sans préparation. J’improvise régulièrement à la Cinematek et nous avons tous les genres possibles et imaginables. Nous avons parfois des films de trois heures à accompagner. Un programme est annoncé et en fonction de notre rôle attribué, on accompagne le film. Quand les films sont très courts, il y a souvent un rythme soutenu dans l’accompagnement des images, ce n’est donc pas plus facile.

Pourriez-vous présenter les courts-métrages projetés ce jeudi ? Sont-ils articulés autour d’un thème commun ?

Ce qui est convergent ici, c’est le côté à la fois féérique, avec des films d’animation tel que Cinderella (1922) ou The Sleeping Beauty (1954), ou drôle, avec du Chaplin par exemple.

Avez-vous des influences dans le domaine musical qui vous aident dans vos improvisations ?

Je travaille dans la musique de l’instantané, je vais donc puiser dans ma mémoire musicale et dans tout un patrimoine, que ce soit dans la comédie musicale ou dans la musique de films. Et cela va, d’une manière ou d’une autre, colorer mon interprétation. Donc oui, il y a des influences. Maintenant, on pourrait aussi imaginer d’interpréter des musiques plus contemporaines sur des films anciens.

Quelle est votre définition d’un bon accompagnement musical au cinéma ?

Il faut se mettre au service du film et mettre un pont entre le film et le public. À partir du moment où l’on rompt la magie entre l’image et le spectateur, alors là on est à côté ! On est un intermédiaire, cela nécessite dès lors de comprendre suffisamment le film et d’être derrière celui-ci, pas devant. D’ailleurs, s’il n’y a pas d’éclairage sur nous c’est d’autant mieux, l’important c’est l’écran. Le public vient voir un film avant tout et l’on se met à son service. Idéalement, il y a une vraie symbiose entre la musique et l’image et les spectateurs ne sont pas distraits par la présence du musicien.

Comment y parvenir ?

Il faut allier la discrétion et l’efficacité. L’efficacité, c’est-à-dire soutenir l’attention du spectateur et lui faire passer un bon moment ; Et la discrétion, c’est-à-dire ne pas se mettre en avant et ne pas focaliser le public sur son interprétation. Et ce n’est pas facile, parfois j’ai auditionné de très bons musiciens mais qui ne sont pas faits pour cela, car ils n’ont pas cette notion de discrétion. J’adopte une manière parmi d’autres d’accompagner un film. Ce n’est jamais fixé, à chaque fois on se renouvelle, c’est la magie d’un moment. Il arrive que l’on soit moins inspirés certains soirs, et cela donne moins bien. C’est mieux si l’on connait bien les films et si l’on a de la pratique dans ce domaine, car cela donne tout un outillage dans lequel on peut puiser en cas de blocage. Pour l’accompagnement des chefs d’œuvres, on ne sent pas les heures passer ! D’autres fois, l’œuvre est très intéressante historiquement mais moins pour un accompagnement musical, les petites séries américaines de l’époque par exemple.

Avez-vous un grand projet d’accompagnement musical de prévu dans les mois à venir ?

Pas pour le moment, mais s’il devait y avoir une occasion un peu particulière, je ne dirais pas non. Je rêve par exemple de pouvoir accompagner un grand film au Bozar. En tout cas, j’ai déjà pris contact avec des personnes qui gèrent cela, ils vont voir s’ils peuvent le faire…

A propos Cynthia Prévot 17 Articles
Journaliste du Suricate Magazine