Pour un temps sois peu : des mots pour décrire des maux

© Pauline Le Goff

De et avec Laurène Marx. Le dimanche 19 mars 2024 au Théâtre National.

Pour un temps sois peu est un spectacle solo mené tambour battant par Laurène Marx. Elle aborde les défis quotidiens auxquels sont confrontés les femmes trans, en particulier pendant la période de transition (évoquée dans le titre). Ce récit autobiographique est raconté sur le ton de l’humour pourtant il parle de peur, de solitude, de manque d’amour, toutes ces sensations qui caractérisent la vie des personnes transgenres. Il s’agit donc d’un drame qui ne semble pas pouvoir connaître d’issue heureuse. Beaucoup de sincérité et une belle maîtrise des mots dans la prestation de Laurène.

« L’élégance de la passivité »

Dès le début de sa prestation, la one-woman-show présente sa version (très sombre) de la société. Il y a seulement deux types de personnes, celles qui détestent les trans et celles qui optent pour la passivité. De loin, les plus fréquentables. Dans la première catégorie, il y a l’extrême-droite avide de « casser du trans », Elon Musk ou J.K. Rowling. Pour l’écrivaine le genre est une réalité. Laurène conclut : « tu peux tout être dans cette société, sauf un travelo ».

« C’est quoi exactement d’être une femme ? »

Ce questionnement revient souvent dans le discours, comme s’il s’agissait finalement d’une réalité inaccessible. Son mot d’ordre est de « viser la binarité, ne pas se perdre dans la féminité », ni être considérée comme PD. Les gens n’aiment pas les PD. Le parcours du trans est une perpétuelle quête d’amour

Beaucoup de sincérité

Toutes les étapes de la transition sont passées en revue, analysées, décortiquées. Les rendez-vous médicaux, la nécessité d’émouvoir le psy pour le convaincre de donner une attestation, le chirurgien qui ne l’appellera Madame qu’après l’opération, le test de la boulangerie pour tenter d’y être accueillie en tant que femme. En filigrane, elle évoque la peur viscérale de se promener en rue, le désarroi du milieu, la drogue, la prostitution, la violence.

Qu’en penser ?

Le spectacle est basé sur le roman éponyme publié aux éditions Théâtrales, prix spécial du Jury en 2022. L’autrice adopte un style trash tout en maîtrisant les mots, « son truc, c’est la répartie ». Le récit percute, le parcours a rarement été décrit de manière aussi transparente. Toutefois, la prestation relève plus de la performance que d’un véritable jeu d’acteur, parfois le texte est décousu. Laurène n’occupe pas vraiment la scène, concentrée sur son récit. En réalité, le spectacle est un manifeste, un témoignage poignant, un cri d’alarme. A-t-il réellement besoin d’une mise en scène élaborée ou d’un jeu sophistiqué ?