« Pleine terre », la détresse paysanne

Titre : Pleine terre
Autrice : Corinne Royer
Editions : Actes Sud
Date de parution : 18 août 2021
Genre : Roman

L’agriculture devrait être au cœur de nos préoccupations car c’est elle qui nous nourrit. Et pourtant depuis l’avènement de l’agriculture intensive, on assiste à un effondrement du monde agricole, noyé sous les normes et la puissance des différents lobbys, que ce soit ceux de l’industrie agroalimentaire, des grandes surfaces ou des banques. Au milieu de ces géants se trouvent ceux qui sont censés être la base du système, les agriculteurs. C’est l’histoire de l’un d’entre eux que nous raconte Corinne Royer dans son cinquième roman, Pleine terre.

N’ayant pas rempli toutes ses obligations administratives, un éleveur se retrouve pourchassé par les gendarmes comme un criminel. Comment en est-on arrivé à cette situation tragique ? Quelles forces néfastes ont été à la manœuvre pour in fine traiter un citoyen en révolte contre le système comme un dangereux criminel ? Inspiré d’un fait divers dramatique, cet ouvrage, en multipliant les témoignages et points de vue, décrit les rouages du terrible engrenage dans lequel le protagoniste principal du récit, allégorie du petit paysan, s’est retrouvé entraîné.

A la lecture de Pleine terre, on ne peut qu’être abasourdi face à la perte d’humanité d’un monde qui, à défaut de s’être trouvé un sens, accélère pour échapper à son destin. Car si une grande majorité tombe d’accord pour dire que des normes sont nécessaires, on ne peut que rester sans voix face à l’acharnement administratif subi par certains et au refus d’insuffler une dose d’humanité dans les rapports que les principaux acteurs entretiennent avec le monde agricole.

Roman psychologique tout autant que politique, Pleine terre dénonce cette hypocrisie actuelle, qui oppose d’une part ceux que tout le monde encense et reconnaît comme les héritiers d’une longue tradition de gens de la terre mais qui dans les faits sont souvent rabroués et d’autre part un système qui de facto ne fonctionne que pour les gigantesques exploitations industrielles.

Dans un pays, terre de géants agro-industriels mais où il est de bon ton pour un homme politique de se faire photographier avec une vache au salon de l’agriculture, dénoncer cette schizophrénie est une acte plein de courage et de justesse.