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    Ouragan : l’espoir se consume aux Martyrs

    Il y a de ces pièces qu’on ne sait pas catégoriser, voire même raconter. Ces spectacles hors-cadre qui, dès lors que l’on pense les comprendre, nous échappent et se métamorphosent. Dans cette fuite permanente, Ouragan éveille presque tous nos sens, et particulièrement l’odorat, tout en laissant paraître, ou échapper, une profonde sensibilité.   

    À la lumière des cigarettes, sous les néons 

    Ouragan, c’est la nuit d’insomnie d’Abdeslam, livreur de nouilles à vélo. Son prénom n’a jamais été facile à porter. C’est curieux car Abdeslam en arabe signifie « porteur de paix ». Seul dans son appartement, ce travailleur jetable se confronte à une forme de violence sournoise, celle de la jungle urbaine.

    Tout commence sur ce canapé, décor minimaliste, documentaire animalier à l’écran. Abdeslam ne reste pas longtemps en place, il la cherche justement. Comme s’il se battait contre des impatiences dans les jambes, il se contorsionne, lutte sans relâche. Des chorégraphies se mettent en place, sur fond de musiques ultra rythmées. Accompagné de ses alter-ego, de son conscient ou de son inconscient, en tout cas de ses personnalités multiples, le livreur finit par se dévoiler, un peu. On l’aperçoit sur ce vélo, grand sac carré sur le dos, tiraillé entre ses aspirations et son frigo à moitié vide. Tout y passe, les sujets les plus brûlants et intimes, de la précarité sociale à la construction identitaire en passant par le racisme et le syndrome d’Œdipe. Sans manquer d’humour et de beaucoup de dérision. Devant un public souvent hilare, les acteurs occupent toute la scène. Tour à tour, ils s’agrippent, s’invectivent, courent et fuient leurs propres pensées. Mais, qui peut suivre ? 

    Une thérapie collective ubérisée 

    Abdeslam est multiple mais devant nous se présentent cinq personnalités bien distinctes qu’on brûle de découvrir (d’autant plus que pour la première aux Martyrs, le metteur en scène Ilyas Mettioui remplace au pied levé un des acteurs). Certaines se révèlent, le temps d’un team building ou d’une session confidences. Les mots sont parfois durs ou crus mais la violence, sans cesse invoquée, ne se fait jamais pleinement ressentir. Elle sent néanmoins très fort la cigarette et devient une posture, presque un mantra. Est-elle devenue si insoupçonnable et courante ? Même si la musique et le volume des voix secouent les tripes, le public réceptionne avec sourires des chocolats jetés à la volée, comme s’il ne savait même pas qu’il devait être réconforté. 

    Malgré une performance scénique hors du commun, Ouragan ne semble pas aller au bout de tout ce qu’elle aimerait dénoncer. En 1h20, la tâche est sans doute impossible. Mais l’on regrette tout de même à la sortie de ne pas pouvoir précisément mettre des mots sur ce qui torture Abdeslam, quintuplement représenté mais finalement trop peu incarné. Qui est-il et que veut-il vraiment dire, au fond ? Son cri ne semble pas être entendu et peut-être était-ce ça aussi l’objet de la pièce : mille voix hurlantes et incessantes, se perdant à jamais, sans être suffisamment écoutées. 

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