D‘Alex Lorette
Mise en scène Brigitte Baillieux
Avec Allan Bertin et Guy Theunissen
Du 13 mai au 30 mai 2025
Le Vilar
La première heure séduit. À deux sur scène, ils résonnent dans tous les foyers de Belgique. Chacun retrouve, dans un dialogue, une expression ou une attitude, son propre miroir ou celui de son père. Le rire est franc, les acteurs sont présents, entraînants. Bref, on s’y voit déjà dans cette réunion père-fils.
Les Grandes Marées, c’est l’histoire de deux, parfois trois générations qui se cristallisent le temps d’une nuit, dans un dialogue tendu entre un père et son fils. On parle de tout mais jamais de rien : les souvenirs de joie, de colère, les éclats de violence, les silences pesants. Et surtout, les questionnements incessants qui traversent la parentalité. On y lit la fracture générationnelle : celle des chansons, des jeux vidéo, de la vision du travail… et même de la nourriture. Mais par-dessus tout, plane une peur sourde, omniprésente.
Malgré une mise en scène épurée, les deux éléments de mobilier deviennent des partenaires de jeu. Ils dansent au rythme des lumières, et la scène se métamorphose, multipliant les points de vue : de dos, de face, de côté, passant du regard du père à celui du fils. Le rythme tient la route, et la vitesse des répliques ne nuit jamais à leur clarté. Guy Theunissen est immédiatement solide, ancré. Allan Bertin, lui, monte en puissance minute après minute. Il incarne son personnage avec une justesse touchante. Bref, tout semble en place.
Et pourtant… tout bascule lorsque l’on découvre le cœur du conflit et que l’inquiétude du père est mise en mots. Ce moment de révélation, censé être le point culminant, provoque non seulement la rupture du dialogue sur scène, mais aussi celle du lien avec le public. Trop brutale, trop soudaine, cette volte-face narrative, un peu maladroite, brise l’équilibre patiemment construit. Le dernier quart d’heure semble alors s’étirer, perdant en tension. Ce qui avait commencé avec tant de finesse se termine sur une impression d’inachevé. Du très bon, la pièce glisse vers quelque chose de moyen. Le message, lui, reste lisible. L’intention est là. Mais l’énergie s’est envolée, et avec elle, une partie de l’impact émotionnel. C’est dommage car on sait que c’est important, mais la déstabilisation, sans doute voulue, est peut-être trop forte pour que le message atteigne pleinement sa cible.