Le petit chaperon rouge de la rue Pigalle au Théâtre des Martyrs, jusqu’au 9 octobre

© Estelle Rullier

De Florence Hebbelynck, mise en scène de Stéphane Arcas, avec Florence Hebbelynck, Nicolas Luçon. Du 21 septembre au 9 octobre 2021 au Théâtre des Martyrs.

Pendant des années, Florence Hebbelynck a croisé Cathy tous les jours. Cette prostituée de la rue Pigalle, vêtue de son manteau rouge, à l’allure fière et digne malgré son âge, lui racontait parfois des épisodes de sa vie. Elles se croisaient souvent, une actrice et une prostituée, deux femmes qui partageaient la même rue : l’une y passait et l’autre y restait, à arpenter le trottoir. C’était difficile d’imaginer cette rue sans cette femme qui en était l’un des symboles, toujours fidèle au poste. Quand Florence n’a plus vu Cathy elle a décidé de mener une enquête pour savoir ce qu’il lui était arrivé et elle a commencé à interviewer les personnes qui l’ont connue, pour essayer d’en savoir plus sur cette femme et pour créer un spectacle sur elle.

Chaque interlocuteur avec qui Florence a parlé a apporté des nouveaux éléments pour essayer de comprendre la vie de Cathy mais a aussi soulevé des questions : derrière les masques du personnage, qui était vraiment cette femme ? Elle avait construit son personnage, elle racontait, peut-être, la vie qu’elle aurait voulu avoir, c’était peut-être sa manière de se sentir plus forte, de maitriser les difficultés. Une des questions centrales de l’enquête est aussi : pourquoi faire un spectacle sur une prostituée ? Pourquoi honorer sa vie ?

Le petit chaperon rouge de la rue Pigalle nous parle de prostitution en choisissant un angle intelligent et très humain. On parle souvent de « prostitués », au pluriel, comme si ces femmes n’avaient pas droit à une identité propre. Leur vécu individuel est oublié derrière une étiquette et les jugements sont vite exprimés en termes de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas. Ce spectacle nous parle d’abord d’une femme et puis de son métier. C’est une pièce qui remet la personne au centre du discours et qui nous rappelle la condition humaine derrière la prostitution.

Les deux comédiens sur scène incarnent tous les personnages qui participent à l’enquête. Le jeu de Florence Hebbelynck est extrêmement riche et généreux, d’une justesse rare. On est touché par son énergie et par le rythme de ses intentions. Nicolas Luçon impressionne pour sa capacité de nous accompagner dans l’histoire. Les dialogues entre les comédiens sont « liquides ». Les mots coulent de manière extrêmement naturelle et c’est un plaisir d’être spectateur de ces échanges et de suivre l’histoire. Les choix de mise en scène rendent la pièce dynamique et arrivent à dédramatiser, par moments, la complexité du sujet. L’espace est exploité de manière très intéressante dans une esthétique qui laisse beaucoup de liberté au spectateur qui peut faire travailler son imagination.

Le petit chaperon rouge de la rue Pigalle est un spectacle qui pose beaucoup de questions, qui fait réfléchir en racontant une histoire que l’on ne voudrait pas arrêter d’écouter. A ne pas rater !

A propos Elisa De Angelis 55 Articles
Journaliste du Suricate Magazine