Titre : J’irai chercher le bonheur entre les lignes
Auteur.ice : Stéphanie Giordano
Edition: Charleston
Date de parution : 05 mai 2025
Genre du livre : Roman
Premier roman pour Stéphanie Giordano, et c’est avec une romance épistolaire qu’elle choisit de faire ses premiers pas littéraires. Un choix audacieux et délicat, à contre-courant de l’immédiateté des récits modernes, pour parler d’introspection, de solitude, et de cette sensation étrange qu’il reste toujours quelque chose, même après les chagrins.
Là où tout a commencé.
Maud est journaliste. Enfin, officiellement. Car en vérité, elle évolue en marge, peinant à se faire une place dans une rédaction qui l’étouffe plus qu’elle ne l’épanouit. Hypersensible, elle préfère de loin la compagnie des livres à celle des gens, et ce monde intérieur, qu’elle chérit comme un refuge, devient le point de départ d’un voyage inattendu. Sur un banc de parc, un livre abandonné, un mot manuscrit, un pseudonyme mystérieux : Albatros75. Une invitation à échanger des livres, à nouer un lien uniquement nourri par les mots. Une correspondance naît. Lentement, pudiquement.
Là où ça ne finit pas.
Ce qui frappe d’abord, c’est la plume. Elle a la douceur d’un matin calme, l’élégance des phrases pensées longtemps avant d’être écrites. Il y a quelque chose de très vivant dans cette écriture – une volonté de faire respirer les émotions, même les plus silencieuses. Un ton qui évoque les lettres d’un autre siècle. On sent que l’autrice écrit avec le cœur.
Au fil des pages, les contours de Maud et de William (le mystérieux Albatros) se précisent. Elle, repliée sur elle-même, entravée par ses peurs ; lui, tout en retenue, mais davantage tourné vers l’autre. Ce duo aurait pu dessiner une danse de résilience. Mais parfois, l’équilibre vacille. Maud, malgré sa sensibilité, laisse transparaître une forme d’aveuglement à l’autre. Des silences, des maladresses, un dialogue souvent à sens unique. On aurait aimé qu’elle aussi évolue, qu’elle questionne davantage l’impact de ses mots, de ses absences.
Mais peut-être est-ce justement là que réside la subtilité du récit. Loin des arcs de rédemption attendus, l’autrice nous confronte à ces décalages ordinaires, à ces malentendus banals qui abîment les liens naissants. Elle ne nous donne pas de leçons, mais nous pousse à réfléchir. À ce qu’est vraiment une relation, à ce qu’on donne et ce qu’on retient. Et en cela, le roman touche juste.
Mention spéciale aux clins d’œil littéraires – La Petite Fadette, L’Alchimiste, Le Diable au corps – qui enrichissent le récit d’un écho sensible, presque mélancolique. Comme des balises pour guider l’introspection des personnages… et peut-être la nôtre aussi.
J’irai chercher le bonheur entre les lignes est un roman qui ne cherche pas à plaire à tout prix. Il préfère proposer une parenthèse. Un espace d’écoute et de questionnement. Il ne donne pas toutes les réponses, mais il a le mérite d’oser poser les bonnes questions. Et pour un premier roman, c’est déjà une belle promesse.