« Fools Crow, l’homme médecine des Sioux », une belle leçon d’humilité

Titre : Fools Crow, l’homme médecine des Sioux
Auteur : Thomas E. Mails
Editions : Rocher
Date de parution : 14 octobre 2020
Genre : Histoire

En lisant « homme médecine des Sioux », on ne peut s’empêcher de penser au pire à cette représentation du petit Indien qui tourne hystériquement autour du feu dans les dessins animés de notre enfance, au mieux à ces images de grands sages en parures posant dans les prés, un soleil couchant coloré dans le dos. Il faut bien l’admettre, le commun des non-Indiens et de certains Indiens de maintenant aussi d’ailleurs – ayant vu leur culture écrasée par celle des blancs – en savent assez peu sur le sujet.

Fin des années 70, Thomas E. Mails, prêtre luthérien et déjà spécialiste des questions indiennes, se voit confié par Fools Crow, lui-même conseillé par des forces divines, la tâche très sacrée de retranscrire l’histoire et les pratiques de l’intéressé. Pour situer les choses dans leur contexte et parce que c’est un aspect des mentalités coloniales qu’on ne peut plus taire aujourd’hui, l’auteur revient dans un premier temps sur les souvent mauvaises relations qu’entretiennent les Indiens avec les blancs depuis leur arrivée sur le sol américain, ainsi que les grandes dates qui ont jalonnées leur histoire commune. Fools Crow étant né aux alentours de 1890, année tâchée su sang de Sitting Bull qui marque un tournant dans la gestion des Indiens par les blancs, l’homme médecine Lakota a eu le temps de voir comment les conditions de vie se sont dégradées pour son peuple en un siècle. Fools Crow est un narrateur honnête qui ne veut pas accabler les occidentaux de tous les maux du monde. Il regrette particulièrement l’arrivée de l’alcool dans les réserves, l’effacement de leur culture et leur religion au profit du mode de vie capitaliste, et les violences mais constate que les blancs leur ont aussi apporté de bonnes choses et que certains d’entre eux ont su se montrer généreux et empathiques.

Mais ce qui est intéressant dans cet essai, ce n’est pas tant le rapport à l’histoire, même si celle-ci est vécue de l’intérieur, mais plutôt la grande place laissées aux croyances indiennes. Fools Crow initie le lecteur à des rites dont on entend souvent parler sans connaître leur charges symboliques, telles que la danse du soleil, l’inhalation des fumées de la pipe, la quête de la vision. La manière dont cette culture nous est racontée est humble et pleine de dévotion, si bien qu’on ne peut pas ne pas y croire. Et le fait d’admettre que ces pratiques sont bien plus que de simples miracles ou le produit d’un imaginaire sauvage contribue à remettre la prévalence de nos modes de pensées en question. La science est-elle toujours plus efficace que la nature ? Et peut-on vraiment rabaisser leur culture au simple état de croyance ?

A l’heure où des livres sur le passé et l’hypothétique futur de nos sociétés se vendent en masse, on déplore qu’un tel essai n’ait pas meilleure presse. Après tout, notre point de vue nous le connaissons, ne serait-il pas temps d’enlever nos visières ? Fools Crow, l’homme médecine des Sioux est un bon départ pour une remise en question, très abordable pour les novices en questions indiennes.