Corto Maltese revit Sous le soleil de minuit

sous le soleil de minuit

Scénario : Juan Díaz Canales
dessin : Rubén Pellejero
éditions : Casterman
sortie : 30 septembre 2015
genre : aventure

La première publication française de Corto Maltese, oeuvre de l’Italien Hugo Pratt, se fait dès 1970, sous la forme d’histoires courtes, au sein de Pif gadget. En 1975, les éditions Catserman en publient le premier album, La ballade de la mer salée. Depuis, la série a atteint une grande notoriété, en raison de son ton très particulier et de l’ambiguïté de son personnage principal, qui lui confèrent une richesse de fond non négligeable. On aurait cependant pu s’attendre à l’arrêt de la série, avec la disparition de son créateur, en 1995. C’était sans compter sur le fait qu’Hugo Pratt, contrairement à Hergé, n’avait aucun problème avec l’idée que son personnage fétiche puisse être repris un jour.

Vingt ans après la mort de son auteur, voici donc Sous le soleil de minuit, la nouvelle aventure de Corto. Sur la demande de son ami Jack London, il décide cette fois-ci de se lancer à la poursuite d’une amie de ce dernier. Mais ce n’est là que le début de péripéties mouvementées.

Qu’on se rassure, si l’album est accessible aux nouveaux lecteurs, les familiers du personnage se retrouveront ici en terrain connu. Les rêves sont l’une des thématiques importantes de la série et apportent aux albums de Corto Maltese une touche supplémentaire de poésie. L’onirisme y est ainsi fortement présent et trouve probablement son point d’orgue au sein des Helvétiques, aventure possiblement fantasmée dans son intégralité, où les frontières entre réalité et fiction se font plus poreuses que jamais. Le fait que Sous le soleil de minuit s’ouvre sur une scène de songe n’est donc pas anodin. Au contraire, cela participe à l’inscription de cette aventure dans la globalité de la série. Ce fait est appuyé par le choix des auteurs de situer leur histoire en 1915 (soit, dans la chronologie, juste après La ballade de la mer salée) et non de livrer une suite à , dernier album de Pratt.

Heureusement, si Juan Diaz Canales et Ruben Pellejero connaissent leur sujet, ils ne se contentent pas d’essayer vainement de reproduire ce qui en a fait le sel. Si l’on sent que tout a été pensé pour assurer une transition en douceur, leur essai se révèle assez convainquant pour se démarquer d’un simple exercice copiste.

Tout d’abord, le dessin de Ruben Pellejero  s’il permet de reconnaître les personnages célèbres de l’univers qu’il met en scène, laisse néanmoins s’exprimer une touche quelque peu personnelle. Elle se traduit notamment au travers de l’encrage et/ou de la mise en couleur (l’album bénéficiant également d’un tirage en noir et blanc), qui s’éloigne légèrement du style développé par Pratt.

Juan Diaz Canales apporte également une partie de son style. Le scénariste de Blacksad parvient, par le soin accordé à la caractérisation de son personnage principal, à en retrouver l’essence. Comme dans La ballade précitée, on retrouve un Corto tantôt actif, tantôt en retrait, mais donnant toujours l’impression de se laisser porter là où l’aventure voudra bien le mener. Ce qui sied parfaitement à Sous le soleil de minuit, au rythme plus soutenu que d’accoutumée. Mais si la pagination moins dense permet un gain d’efficacité, elle laisse également moins de place à la poésie. D’autant que le récit, copieux, ratisse large en mêlant guerre, espionnage et colonialisme.

Hugo Pratt souhaitait créer son personnage de manière à ce que l’on puisse croire à son existence réelle, comme si l’auteur ne faisait que traduire en images des faits avérés. Cette envie est notamment perceptible à la fin de Corto Maltese en Sibérie, l’épilogue étant rapporté sous forme de témoignages de plusieurs seconds rôles de l’album. C’est également dans cette optique que Pratt n’a pas hésité à inclure de nombreuses figures historiques, ancrant un peu plus sa série dans la réalité. Logiquement, le nouveau scénariste se saisit également du procédé et , outre Jack London (déjà présent dans La jeunesse de Corto Maltese), fait se côtoyer d’autres personnages, moins célèbres mais tout autant dignes d’intérêt, qui ajoutent un surplus de personnalité à l’album.

Si les nouveaux auteurs se plient à l’exercice de la reprise avec déférence, avançant en terrain connu, la démarcation qu’ils opèrent avec précaution ajoute de l’intérêt à un projet qui ne retrouve pas toujours le ton originel de la série, mais qui se révèle cependant parfaitement recommandable.

 

A propos Guillaume Limatola 126 Articles
Journaliste

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