Comès d’Ombre et de Silence : lumière sur un travail en noir et blanc

Dessin : Didier Comès
Scénario :  Thierry Bellefroid
Edition : Casterman
Sortie : 09 septembre 2020
Genre : Documentaire

En 2013, le maître du noir et blanc, Comès, tirait sa révérence emportant son génie au royaume des ombres – nul ne doute que là où il est, il doit être bien inspiré. Il s’en est allé sans jamais avoir eu le plaisir d’être exposé à Bruxelles. Thierry Bellefroid, l’animateur de l’émission littéraire Sous Couverture, en association avec Éric Dubois, imagine pour la première fois une rétrospective des œuvres du bédéiste belge, accessible à partir du 25 septembre 2020 au musée BELvue à Bruxelles. Et pour l’occasion Thierry Bellefroid, en fan de la première heure, nous propose un ouvrage complémentaire à l’exposition, Comès d’Ombre et de Silence, retraçant le parcours de l’auteur – et avec lui de nombreuses figures de la bande dessinée belge.

Comès, en publiant son célèbre Silence dans la mythique revue (à suivre) avait marqué dans les années 80 toute une génération de jeunes lecteurs de bande-dessinée, habitués jusqu’alors aux classiques du genre. Du jamais-vu. Avec son travail sur la profondeur des noirs et la stylisation de son trait, l’auteur ardennais avait révolutionné les codes d’un art à l’époque encore fort concentré autour d’une même approche, celle inspirée par les traditionnels Tintin, Spirou et compagnie. Son excentricité lui a valu un franc succès. Mais en sortant La Belette, dont la ressemblance avec Silence est indéniable, il s’enferme dans un rôle de porte-parole des sorcelleries et autres mythes de campagne.

Une révolution stylistique

Pourtant son œuvre est beaucoup plus riche que ne le laisse paraître le carcan dans lequel la critique l’enferme. Comès, sans jamais recopier, s’est inspiré du style des figures qu’il admire, en passant tantôt d’un dessin hyperréaliste comme dans L’ombre du corbeau vers un trait plus abstrait et un jeu sur les masses qu’il emprunte à Munoz. De la même manière que Comès ne s’explique pas en un ouvrage, il ne se définit pas en une culture. C’est probablement de son enfance déjà partagée, entre ville et campagne, entre culture belge et allemande, que le bédéiste tire sa personnalité changeante et son éclectisme stylistique. Mais une chose persiste chez Comès – et c’est cet aspect qui est d’ailleurs le mieux mis en valeur dans cet ouvrage commémoratif – le silence presque religieux qui habite ses œuvres et qui évoque le calme des campagnes dans lesquelles ses histoires prennent vie.

Un beau catalogue d’exposition

Comès d’Ombre et de Silence, en se concentrant sur la vie de l’auteur, retrace une histoire moins connue de la bande dessinée belge, celle du magazine (à suivre) et de ses adeptes : Hugo Pratt, François Schuiten, Benoit Peeters, José Munoz, Tardi, Jean-Paul Mougin pour ne citer qu’eux. Cet ouvrage qui s’apparente plus à un catalogue de musée qu’à une bande dessinée, est agrémenté, dans une mise en page très sobre, de reproductions d’originaux et de photographies témoignant des amitiés sincères qui se sont construites dans ce petit monde en effervescence. C’est un bel objet à acquérir pour les passionnés, une belle histoire à découvrir pour ceux qui ne sont pas encore familiers avec cet univers.