Titre : Chiens des Ozarks
Auteur : Eli Cranor
Edition : Sonatine
Date de parution : 09 janvier 2025
Genre du livre : Roman
Eli Cranor, ancien professeur de lycée et écrivain, nous livre un portrait sombre de sa région natale dans l’Arkansas. Pour la première fois le lectorat francophone pourra découvrir la plume engagée de ce romancier déjà multi-récompensé en Amérique.
Preuve en est de la surprise qui a suivi le résultat des élections présidentielles de 2024, nous sommes encore bien loin de comprendre le monde dans lequel vivent la majorité des citoyens américains. Et pourtant, cette Amérique républicaine et particulièrement rurale est partout. Dans les grands quotidiens qui associent à coup de titres aguicheurs Trump au chaos et à la division. Mais aussi, de plus en plus, dans les films et les livres. Et tel est le cas de Chiens des Ozarks. Amas incongru de lettres, le mot Ozark est aussi obscur que la région qu’il désigne. Une région accidentée dont le territoire s’étend du Missouri à l’Arkansas.
Et sur ce territoire inhospitalier, gît la ville de Taggard, agonisant dans le chômage et la récession. Jeremiah Fitzjurls – qui coche la trinité de l’ancien vétéran du Vietnam, alcoolique et gun nuts – y élève Jo, sa petite fille. Cette responsabilité, Jeremiah l’a acceptée le jour où son fils a été envoyé derrière les barreaux. Mais il faut dire que la gamine, avec son tempérament sauvage et son adorable frimousse, a su pénétrer le cœur de ce vieil ours mal léché. En fait, elle est carrément devenue sa raison de vivre, celle de se lever le matin pour travailler à la casse et, mieux que ça, celle d’arrêter de chatouiller la bibine. Mais quand les Ledford, un groupe de suprémacistes blancs, accessoirement dealers de méthamphétamine, reviennent sur Taggard avec des envies de vengeance, la sécurité de la petite famille est menacée. Et s’ils s’en prenaient à Jo ?
S’ensuit une course contre la montre pour protéger la jeune fille du danger qui la guette. Mais rien dans les premiers chapitres ne permettait d’envisager un tel rythme. Chiens des Ozarks commence par des futilités, racontées dans une langue ultra limpide qui peut laisser perplexe. Une mise en contexte qui peine à faire monter la mayonnaise. Mais quand la machine se met en marche, le récit passe la deuxième. D’un coup, le succès dont profite Eli Cranor outre-atlantique s’explique. Dans des chapitres courts, le plan des Ledford s’échafaude et Jeremiah se laisse absorbé par la souffrance. Le découpage est ergonomique, rien n’est en trop. Et l’efficacité avec laquelle Eli Cranor rythme son histoire, lui donne un côté hoquetant qui favorise la tension. C’est un page turner, indirectement géopolitique, qui rappelle la violence avec laquelle peuvent vivre les gens à qui il manque l’espoir.