« Ce n’était que la peste », un passé trop contemporain

Titre : Ce n’était que la peste
Autrice : Lioudmila Oulitskaïa
Editions : Folio
Date de parution : 19 janvier 2023
Genre : Roman

Lioudmila Oulitskaïa, dont le premier roman Sonietchka, a été couronné du prix du Médicis étranger en 1996, est l’auteure de nombreux romans qui ont intégralement été publiés aux éditions Gallimard. Ce n’était que la peste, œuvre écrite en 1988 et redécouverte en Russie au printemps 2020 nous décrit avec un subtil sens de l’ironie une épidémie de peste sous le régime totalitaire de Staline. Une histoire qui pose évidemment question et résonne avec une acuité particulière au vu de la situation actuelle.

Saratov, 1939. Rudolf Myer, biologiste, travaille sur une souche virulente de la peste. Il est appelé à Moscou par les autorités. Il s’y rend en train et réalise, une fois arrivé, qu’il est contaminé. S’appuyant sur son expertise des arrestations politiques, le gouvernement déploie un vaste plan de mise en quarantaine de toutes les personnes croisées par Myer pendant son voyage.

Ironie et tragédie

Dans ce court récit, on perçoit déjà le poids de l’ironie dans le titre de celui-ci, Ce n’était que la peste, comme si une menace plus grande que cette maladie qui décima un tiers de la population européenne au 14ème siècle pouvait exister. Une menace qui face à la sanglante répression des grandes purges staliniennes ne faisait apparemment pas le poids aux yeux de la population. Et c’est sur ce paradoxe que joue l’auteure en mettant en scène des tableaux plein d’ironie où les agents du NKVD semblent s’excuser d’emmener les cas contact en quarantaine en tentant de les rassurer sur la bienveillance de leur intervention. Une réaction de la population bien compréhensible, à une époque où la mise à l’isolement signifiait une arrestation politique et la fin de toute vie, au sens figuré et bien trop souvent au sens propre.

Bien entendu, au-delà de cet aspect plus léger, on ne peut que réfléchir sur le fonctionnement de la société totalitaire soviétique, dont la vie de ses membres ne tenait qu’au bon vouloir d’un seul homme et qui avait déjà intégré le fait qu’ils étaient tous de potentiels coupables. Une mentalité qui a empoisonné l’esprit de plusieurs générations de citoyens et qui perdurent encore en partie à l’heure actuelle.

Si Ce n’était que la peste semble évoquer un épisode de l’histoire, il est malheureusement par bien des aspects un peu trop contemporain. Un livre que l’on ne peut dès lors que vous conseiller.