Bye Bye Future : Préparez-vous à un Retour vers le(s) futur(s) au Musée de Mariemont !

Affiche de l’exposition Bye Bye Future ! L’art de voyager dans le temps. © Musée Royal de Mariemont
Affiche de l’exposition Bye Bye Future ! L’art de voyager dans le temps. © Musée Royal de Mariemont

Du 25 janvier au 24 mai 2020, le Musée Royal de Mariemont nous invite à voyager dans le temps et l’espace avec sa nouvelle exposition Bye Bye Future ! Alors, empruntons la machine à remonter le temps et allons découvrir au musée tous les aspects des « futurs » tels qu’ils ont pu être imaginés depuis la nuit des temps, à travers tous les médiums, toutes les cultures et civilisations.

Ce qu’on aime avec Bye Bye Future ! c’est que s’instaurent d’emblée de multiples dialogues entre les objets exposés. Les œuvres d’artistes contemporains côtoient les ouvrages de littérature, de cinéma, ou encore des cultures SF et Pop. On n’est pas surpris de découvrir l’Astro boy converser avec Jules Verne, Goldorak, Albert Roda ou encore Albator. On découvre aussi tous les dispositifs illusionnistes inventés au XIXe siècle, véritables machines à voyager dans le temps et l’espace qui nous font sentir explorateur d’un jour : les théâtres d’optique, les dioramas, les panoramas… Puis on finit par s’improviser madame Irma et, à défaut de pouvoir lire dans notre boule de cristal, on découvre les jeux de tarots et on comprend, dans de vieux ouvrages, les prédictions apocalyptiques de Nostradamus et même les inventions, à l’époque futuristes, de Jules Verne.

Un voyage dans le temps initié par un aperçu des transports du futur

Alors qu’on franchit les portes du musée, on est rapidement intrigué par un bruit de machines qui se diffuse dans tout l’espace. On lève les yeux, et on découvre, avec étonnement, une gigantesque raie manta en bois suspendue au plafond. Les ailes de la créature sont mobiles, elles se déploient grâce à un ingénieux mécanisme que l’on découvre en brandissant les étages qui nous séparent de l’espace d’exposition. C’est ici un avant-goût de la petite touche apportée par Luc Schuiten, architecte belge (né le 8 janvier 1944) et créateur de bande-dessinée, invité d’honneur du musée à l’occasion de Bye Bye Future !

Réputé pour ses « villes de demain » et ses « cités archiborescentes », l’artiste nous impressionne par l’ingéniosité de ses moyens de déplacement futuristes totalement écologiques. Entre ses tractainers, sautrailes et ornithplanes suspendus dans les airs au fil des pavillons, la raie manta est sans doute la plus impressionnante. Luc Schuiten, c’est finalement un peu notre Doc Brown national. « Faut voir grand dans la vie, quitte à voyager à travers le temps au volant d’une voiture, autant en choisir une qui ait d’la gueule ! » Et, franchement, nom de Zeus, qu’est-ce qui a plus de gueule qu’une raie manta volante ?

Luc Schuiten, Raie manta, [s.d], 425 x 60 x 450 cm, prototype en bois, Musée Royal de Mariemont. Cliché L. Segard, 2020.
Luc Schuiten, Raie manta, [s.d], 425 x 60 x 450 cm, prototype en bois, Musée Royal de Mariemont. Cliché L. Segard, 2020.

Pour conter l’Histoire de nos civilisations et concevoir l’avenir, l’écriture…

On est dérouté de découvrir un extrait du film Peau d’âne de Jacques Demy et, à ses côtés, la peau d’âne. On comprend que cette œuvre de Katia Bourdarel fait en réalité référence au temps qui passe. La morale des contes témoigne toujours de l’apprentissage nécessaire pour passer de l’enfance à l’âge adulte. Mais nous, on y voit aussi l’expression de tout autre chose. On peut supposer que cette peau évoque un espace d’écriture. Rappelons que celle de l’âne fut l’une des premières à être utilisée en guise de parchemin. Ce n’est alors probablement pas un hasard si l’un des premiers supports d’écriture s’expose au départ de Bye Bye Future ! en dialogue avec le « saint parmi les saints » des ouvrages : la chronique de Nuremberg, récit qui ambitionne de raconter l’Histoire du monde depuis la Genèse, pas moins que ça !

D’ailleurs, l’exposition se conçoit elle-même comme un livre divisé en neufs chapitres qui représentent, en réalité, les thématiques abordées ou plutôt, les sens de lecture possibles de tous ces futurs imaginés. Tempus fugit, prédire l’avenir, voyages dans l’espace et le temps, utopie et dystopie, créat.e.ur.e le miroir des transgressions, vestiges du temps présent, disparition de l’écrit et du libre, effondrements et, finalement, la carte blanche laissée à Luc Schuiten.

Natalia de Mello, Vidéo Club Sandwich, 2019, 120 x 45 x 45 cm, livre électronique avec petite table, ordinateurs, bois naturel peint © Natalia de Mello avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Photo : Dominique Libert.
Natalia de Mello, Vidéo Club Sandwich, 2019, 120 x 45 x 45 cm, livre électronique avec petite table, ordinateurs, bois naturel peint © Natalia de Mello avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Photo : Dominique Libert.

L’écriture, et son support qu’est le livre, font aussi l’objet d’un « chapitre » complet de Bye Bye Future ! On est intrigué par ce qu’on y découvre (ou lit) : des machines hybrides un peu étranges, entre autres cette mi-machine à écrire mi-ordinateur tactile. Mais on affectionne particulièrement le Vidéo Club Sandwich (2001) de Natalia de Mello qui questionne au plus près nos modes de consommation. Ces « tranches » d’écrans d’ordinateurs qui se juxtaposent à l’intérieur de ce sandwich inhabituel critiquent l’accumulation d’appareils technologiques que l’on a tendance à entretenir, provoquée entre autres par leur obsolescence programmée qui nous pousse à acheter compulsivement, encore et toujours plus…

Noir et blanc, ça dépend d’ton attitude

On aime la scénographie de l’exposition plutôt sobre, imaginée par l’architecte Sébastien Faye, en collaboration avec Luc Schuiten. Discrète et participative, elle laisse toute la place à ce que les œuvres ont à nous dire. La bichromie blanc-noir dévoile des pleins et des déliés. Des espaces blancs, encore vierges, succèdent aux espaces noirs, exprimant au contraire la densité. Rien n’est gris, tout est blanc, ou noir, à l’image de ces futurs imaginés, reprisés, depuis la nuit des temps : futur apocalyptique, ou futur utopique, il faut choisir.

On est surpris, quand, au hasard d’un détour, on tient entre ses mains l’un des prospectus, ou le catalogue d’exposition de Bye Bye Future ! : la première de couverture laisse dévoiler cette bichromie noir et blanc, mais le vert occupe une place prépondérante. Le vert, cette couleur de la vie qui exprime à la fois l’espoir et le désespoir. Elle semble symboliser simultanément tous les futurs possibles, tels qu’ils ont pu être imaginés et le sont encore aujourd’hui à travers les différentes cultures et civilisations. À la fois la chance, l’espoir de se voir concrétiser à l’avenir toutes les utopies, mais aussi au contraire la mort, le désespoir d’un monde apocalyptique.

Nicolas Rubinstein, “Mickey is also a rat” Mickey Fucky, 2010, 48 x 39 x 24 cm, bronze original peint et vernis, 2017. © photo: Fabrice Bertin Maghit.
Nicolas Rubinstein, “Mickey is also a rat” Mickey Fucky, 2010, 48 x 39 x 24 cm, bronze original peint et vernis, 2017. © photo: Fabrice Bertin Maghit.

Mais l’un des dispositifs scénographiques que l’on préfère, c’est sans conteste cette armoire autrefois propriété de Raoul Warocqué. Dans celle-ci, des œuvres d’artistes contemporains ont été installées en confrontation avec d’autres objets issus des collections du musée. Dans ce cabinet de curiosités où l’on croise une sirène japonaise mi-singe mi-poisson, on a un vrai coup de cœur pour les vanités de Nicolas Rubinstein, comme Mickey is also a rat. L’artiste s’inspire cette fois de l’univers de Walt Disney, figurant un mickey mouse hybride à moitié squelettique qui représente alors, au sein d’une même sculpture, les deux extrêmes des âges de la vie : du berceau à la tombe. On est happé par la subtilité symbolique de l’installation en soi. Constituer un cabinet de curiosité, c’est dresser un inventaire anachronique des richesses accumulées au cours de voyages, à la fois à travers les civilisations, les époques, et les espaces. En quelque sorte, le cabinet de curiosités, n’est-ce pas donc pas déjà une machine à voyager dans le temps ?

Utopie VS dystopie

À l’heure où les aiguilles de l’horloge de l’apocalypse ne se sont jamais autant rapprochées du minuit fatidique craint par les scientifiques, on n’est plus qu’heureux de clôturer la visite avec une grande bouffée d’oxygène. C’est le futur utopique imaginé par Luc Schuiten qui nous éblouit dans le dernier espace de l’exposition. Parce qu’au cours de la visite, on s’est quand même senti très Mylène au milieu des ruines, on a nagé dans les eaux troubles des lendemains. Ce n’est pas qu’on attendait la fin, mais tout était très chaos à côté. Alors même si, c’est vrai, on est comme Néo très génération désenchantée, il ne tient qu’à nous de relever nos manches, et de suivre l’exemple de Schuiten qui a refusé de conclure sur la vision trop sombre proposée par Bye Bye future !.

Véritable Tolkien belge du XXIe siècle, l’artiste-architecte écologiste imagine, jusque dans les moindres détails, chaque aspect pratique de ses « cités végétales » plutôt idéales. Entre Platon et Schuiten, il n’y a d’ailleurs qu’un pas et quelques siècles très vite franchis par la même vision utopique : tous deux imaginent un plan urbain idéal, visant à la perfection et à l’équilibre en tous domaines. L’harmonie si chère à Platon, on la retrouve chez Schuiten dans le concept de biomimétisme : il s’agit de s’inspirer de la nature pour construire nos villes, de l’imiter en tirant parti de ce qu’elle fait de mieux.

L’artiste dévoile pour l’exposition une œuvre inédite : Le domaine de Mariemont au siècle prochain. On doit dire qu’on n’a jamais autant aimé le panorama urbain qu’avec Schuiten. Si le concept du panorama est d’illustrer le désir de tout voir et de voyager sans bouger, nous, les cités archiborescentes qui imaginent le futur de Mariemont, Louvain-La-Neuve, Bruges et j’en passe, on veut non seulement les découvrir dans les moindres détails, mais surtout les voir se construire, et pas que sur papier !

Luc Schuiten, Bruxelles en 2000 et 2100, crayon bleu, 157 x 104 cm, Musée Royal de Mariemont © http://www.vegetalcity.net/bruxelles/
Luc Schuiten, Bruxelles en 2000 et 2100, crayon bleu, 157 x 104 cm, Musée Royal de Mariemont © http://www.vegetalcity.net/bruxelles/

Pour le coup, on se prend un peu pour Catherine Deneuve, on enlève avec soulagement notre peau d’âne, on troque celle de Mylène en faveur de celle de Greta. On est gonflé à bloc pour agir, et lutter contre l’inaction face à l’urgence climatique histoire de rendre les perspectives futures un peu plus optimistes. Après tout, c’est ça aussi Bye Bye Future ! : une exposition engagée qui nous donne envie de bouger. Et non, les cités idéales pensées par Luc Schuiten ne vont pas se concrétiser toutes seules, alors au charbon comme dirait papy !

Le petit plus de Bye Bye Future ! ? Sans aucun doute le parcours musical, composé de plus de 48 titres, qui vous accompagnent en fonction des époques et des espaces, dans cette balade à travers les couloirs du temps et de Mariemont. Entre les jeux vidéo, les applications sonores et les dispositifs optiques, Bye Bye Future ! suscite tous nos sens, et on n’a tellement envie de dire comme Jackouille : c’est Okay !

Infos pratiques

A propos Louise Segard 11 Articles
Journaliste au Suricate Magazine