Bitter Flowers, parenthèse désenchantée à Paris

Bitter Flowers

d’Olivier Meys

Drame

Avec Le Geng, Sâm Mirhosseini, Xi Qi

Sorti le 28 mars 2018

Devant un avenir qui s’entrebâille trop lentement, Lina (Qi Xi), une trentenaire chinoise, décide en toute confiance de quitter son mari et son fils pour tenter l’aventure en France. Le temps de rembourser ses dettes de voyage et d’obtenir suffisamment de fonds pour pouvoir ouvrir un restaurant dans sa ville natale. Originaire de Dong Bei, une région du nord-est de la Chine frappée par une grande vague de privatisations, Lina a pris la décision de rejoindre les rangs de ceux qui migrent pour une vie meilleure malgré les réticences de son mari. Arrivée à Paris avec un groupe de touristes chinois, elle s’enfuit dès qu’elle peut pour se mettre à la recherche d’un travail. Mais ses aspirations se tassent très vite : les jobs de nourrice sont sous-payés et personne n’engage dans les commerces. Alors qu’elle erre dans les rues de Paris sans le sou, elle fait la rencontre de Yumei. Celle-ci lui ouvre les portes du modeste logement qu’elle partage à prix d’or avec d’autres migrantes chinoises et lui révèle leur moyen de survie à toutes : vendre leurs charmes.

Pour son premier long-métrage, le réalisateur belge Olivier Meys s’est emparé d’une problématique peu connue : la prostitution chinoise à Paris. Grande est la déception pour ces femmes venues du nord de la Chine pleines d’espoir et qui ont dû se résigner à arpenter le bitume du nord de Paris. Le film a tôt fait de nous embarquer dans la dure réalité des clandestines chinoises de Dong Bei. Souvent lourdement endettées auprès de passeurs qui leur ont fait miroiter un avenir meilleur, elles ont rapidement déchanté en constatant le statut précaire qui leur était réservé. Et impossible pour elles de compter sur la solidarité chinoise ; la communauté Wenzhou (du sud de la Chine) installée depuis très longtemps à Paris se replie sur elle-même. Sans jamais sombrer dans le mélo ou le misérabilisme, la caméra intime d’Olivier Meys nous dévoile le quotidien des marcheuses chinoises dicté par la survie matérielle mais aussi motivé par les transferts d’argent vers la Chine.

Dans un registre doux-amer, Olivier Meys esquisse un portrait intimiste et délicat de Lina qui va devoir composer avec sa nouvelle situation fragile. Grâce à sa compagne d’infortune Yumei, elle apprend à contrer les dangers de la rue : les policiers, les conflits de territoire, les hommes interlopes… Malgré la vulnérabilité de son sort, elle en prend petit à petit son parti. Car Lina est prête à se sacrifier pour améliorer le confort de vie de sa famille qui ignore tout de sa situation. Dans la première partie, on suit avec grand intérêt l’évolution du personnage principal, d’abord farouche à l’idée de partager le même sort que ses compatriotes pour finalement suivre le même destin que celles-ci. Le film offre plusieurs belles scènes touchantes de camaraderie et de complicité dans un dortoir parisien. La seconde partie baisse en intensité avec le retour de Lina en Chine. Les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu avec sa famille. Et l’exilée de retour au pays prend véritablement la mesure de ce que ce voyage lui a coûté. Elle réalise que certaines choses ne s’achètent pas. Malgré une situation qui part à la dérive, le final, délicat et intimiste, apporte une touche d’espoir au désenchantement de Lina même si on ne peut pas véritablement parler de lendemains qui chantent pour celle-ci.

Tourné sans fioriture, sans surcharge psychologique, Bitter Flowers manque peut-être un peu d’originalité dans sa mise en scène mais son traitement tout en sobriété sur une sortie de route, une vie qui dérape offre un portrait bouleversant d’une mère et épouse qui voit ses rêves liés à l’exil s’écrouler.