Ca y est BIFFF, il est là le point final à notre idylle. Cet amour de vacances vécu à deux, toi et moi (et les quelques milliers d’autres), plein d’intensité et d’hémoglobine. Je reconnais mes torts : j’ai raillé tes choix cinématographiques avec la cruauté d’un critique de la RTBF ; j’ai sombré dans le sommeil au beau milieu de tes récits les plus fous. Pourtant, jamais tu ne m’en as tenu rigueur. Car nous le savons, au fond de nos boyaux encore tièdes, toi et moi, nous sommes taillés dans le même bois. Pas le bois noble d’un Stradivarius, non. Plutôt celui des pieux bien taillés, qu’on enfonce dans les cœurs palpitants des vampires surexcités. Le bois de ce crucifix d’importation douteuse, brandi dans ce film d’horreur laotien. Le bois de cette chaise cassée laissée volontairement à mon rédac’ chef — paix à son sens de l’humour et à son coccyx, on a bien rigolé.
Alors, pour ce dernier jour, laisse moi partager mes derniers 18 modestes jetons et t’emmener boire et ripailler jusqu’à ce qu’il n’y en ai plus. Alors oui, nous ne serons pas saouls et un peu affamés, mais je suis en médiation de dettes depuis que je viens te voir en calèche, là-bas, loin, au Heysel. BIFFF, une chose est sûre : ce point final ne sera pour nous qu’un point virgule, une parenthèse après un crochet par la vie réelle, je te l’affirme !

Atoman, tant va la cruche en terre à l’eau qu’à la fin elle se brûle dans le vent
Par cette après-midi ensoleillée d’avril, l’équipe du Suricate s’était réunie, non pas autour du grand menhir, mais bien dans la salle Ciné 1 du Palais 10 pour admirer l’un des films les plus attendus de la quinzaine : Atoman. Un film que l’on voulait aimer. Que l’on avait besoin d’aimer. Mais au final, cet Atoman, fils des quatre éléments, a laissé nos quatre rédacteurs dans un vortex de perplexité :
Le feu : S’il y a bien une chose que cette production a su entretenir, c’est le feu sacré. Il aura sans doute fallu une flamme intérieure tenace, une passion ardente et une bonne dose de folie pour embraser l’idée improbable d’un film de super-héros marocain, cross-over live action entre Dragon Ball Z et Avatar, le dernier maître de l’air, et le transformer en réalité cinématographique plutôt qu’en simple mirage du désert. Les paysages du Pays du Couchant Lointain sont de vraies étincelles visuelles : des montagnes brûlantes de majesté du Haut-Atlas aux ruelles enchevêtrées des villages berbères, en passant par la chaleureuse Casa et les champs solaires incandescents de Ouarzazate — tout donne envie de s’y perdre, le cœur en combustion. Mais le récit, hélas, vacille comme une flammèche mal protégée du vent : la narration, mal découpée et inégale, fait chanceler l’attention jusqu’à parfois donner envie de prendre la poudre d’escampette. Le casting lui aussi joue avec le feu. Si Mourade Zeguendi et Sarah Perles tiennent à deux l’oriflamme de la dramaturgie, insufflant de l’énergie au récit, Samy Naceri et Youssef Akdim soufflent plutôt sur les cendres tièdes de la crédibilité, attisant au passage les braises de notre critique. M.M.
La terre : Atoman, le premier film de super-héros marocain, est sur le papier, un projet génial. C’est typiquement le genre de projet qu’on adorerait aimer de tout son cœur, une sorte de victoire du pot de terre contre le pot de fer. Malheureusement, on a beau remuer ciel et terre, il faut garder les pieds sur terre et accepter certaines choses ne sont pas bien réussies car, on a parfois plus envie de se rouler par terre que d’apprécier cet Atoman. C’est surtout que le film ne manque pas de qualités ! Visuellement, les paysages marocains sont à couper le souffle, la photographie est à la hauteur des ambitions et les effets spéciaux de la boîte belge What The Frame sont réussis. Mais qu’est-ce qui cloche alors ? Qu’est-ce qui nous fait redescendre sur terre ? Le film semble avoir appliqué la politique de la terre brûlée sur le casting car l’interprétation n’est pas à la hauteur du projet. Entre comédiens et comédiennes amateurs qui s’en sortent pas très bien et les autres, plus expérimentés, mais qui ne sont pas bien dirigés (on fera une exception pour Mourade Zeguendi qui est hilarant et Sarah Perles qui est impeccable), on n’arrive pas vraiment à rentrer dans l’histoire qui nous est proposée. Car l’autre faiblesse du film, c’est son scénario. L’histoire respecte les passages obligés de film de super-héros, mais la construction de l’intrigue va parfois trop lentement, parfois trop vite. Finalement, on a mis pied à terre en dehors de la salle, quelque peu atterrés. Partagés entre la satisfaction de voir une salle remplie d’un nouveau public, pas habitué du BIFFF, et la tristesse de se dire qu’il y a encore du boulot pour imposer ce type de cinéma populaire marocain. Mais Atoman pourrait servir de déclencheur à un nouveau cinéma marocain ambitieux qui peut assumer sa culture riche et ses paysages à couper le souffle. L.S.
L’eau : De l’eau, qu’est-ce donc ? J’en ai oublié la saveur, l’odeur, voire même l’existence durant ces deux dernières semaines. Eh bien Jamy, l’eau est une substance chimique, corps triatomique stable représenté par une molécule coudée H2O dévoilant un angle de 104°5 entre ses deux liaisons covalentes O-H. Ce corps composé minéral, incolore, inodore et insipide est un liquide à la température ordinaire et à la pression atmosphérique normale, caractérisé par l’existence de liaison hydrogène, ce qui justifie une large plage de température entre glaciation à 0 °C et vaporisation à 100 °C. Mais surtout, l’eau, c’est bleu, donc ça veut dire que l’eau, c’est de droite. Et vu que c’est la fin du BIFFF et qu’on se connaît bien maintenant, j’ai un lourd secret à vous avouer. Je suis de droite. Je sais, choquant. Révoltant. Traumatisant. J’aurais adoré être de gauche. Avoir cette grandeur morale et appartenir au camp du bien. Comme j’aurais aimé avoir adoré Atoman. J’aurais voulu y parvenir. En plus, il y a Mourade Zeguendi et Samy Naceri. Dikkenek et Taxi, si ça c’est pas toute mon enfance. Mais à l’image de l’eau, le jeu de la plupart des acteurs d’Atoman est incolore, inodore et insipide. Oui, cette chronique est méchante. Elle est de droite. Alors oui, on était heureux de voir un film de super héros marocain et on espère en voir beaucoup d’autres. Mais on espère aussi qu’ils auront plus de moyens qu’Atoman quand-même. Même si la séquence de Genkidama à la fin vaut à elle seule le coup d’œil. Point positif quand même : Stéphane m’a convaincu que j’avais le droit d’être de droite. Je vais donc pouvoir arrêter de me fouetter tous les soirs pour expier mon libéralisme. O.E.
Le vent : Shkon hadek? Ismi Hakim, Hakim Ben Atlas. Hum, tu veux quoi ? Je cherche le jeu d’acteur qu’on a perdu sur le tournage. Hshouma Hakim Atlatis… Le vent souffle sur les montagnes marocaines ; Hakim, fils d’Atlas, est remonté dans la vallée ; Parce que sa mère lui a enfin dit de qui il était né. J’espère que vous l’aurez deviné ; Borée, Euros, Zephyr, Notos tout le monde se lève ; Pour honorer le héros au charisme approximatif ; Ce sera toujours mieux que celui de son nemesis ; Cependant, du nanar, tous les deux sont la relève. E.K.
Animal attrapé pour le BIFFFODEX : un lion de l’Atlas.

Get Away : Baaaaae, ne reviens pas, prends tes affaires, rentre chez toi !
Quand on voit un film avec Nick Frost au BIFFF, c’est comme tremper ses frites dans le milk shake, c’est un no brainer. Alors, quand en plus il est au scénario, on croit être arrivés au Valhalla ! C’est dire si nos attentes étaient hautes pour Get Away. Et heureusement, le film a été totalement à leur hauteur. Totalement déjanté, ultra gore et d’un cynisme délicieux du début à la fin, la réalisation de Steffen Haars se veut être un enfant entre Midsommar et Shaun of the Dead mais né en Alabama. Get Away, c’est le genre de production parfaite pour se changer les idées après toutes situations.
Votre patron vous a fait chier pendant toute la journée et vos collègues sont bêtes à manger l’eau chaude ? regardez Get Away ! Vos enfants sont laids, mal élevés et votre femme vous trompe ? Regardez Get Away ! Vous supportez le Standard de Liège ? Ok, Get Away, c’est une bonne solution aux problèmes, mais le film ne peut pas tout améliorer non plus.
Get Away, c’est le film que vous vous rematez un soir d’hiver quand il fait froid dehors et que vous voulez regarder quelque chose de drôle, pas très intelligent mais terriblement efficace et sans temps faibles. Comme tous les films avec Nick Frost, c’est de l’horreur cocooning. Celle qu’on se mate avec un chocolat chaud, des plaids et le son à fond pour faire chier la voisine. Vivement le 2 ! O.E.
Animal attrapé pour le BIFFFODEX : le cheval de Dalécarlie, l’animal qui symbolise le patrimoine suédois.

Handsome Guys : le meilleur remake de tous les temps
Vous dire qu’on attendait ce Handsome Guys avec l’impatience d’un puceau à un date Tinder est un euphémisme. Parce que oui, le film de Dong-hyub Nam est tout simplement le remake du légendaire Tucker and Dale vs Evil. Si vous ne connaissez pas ce film culte de la comédie horrifique, vous ne méritez pas de continuer à lire cette chronique. Sortez de mon article ! Et plus vite que ça ! Pour tous les autres, Tucker and Dale vs Evil, c’est bien sûr ce film culte de 2010 où deux rednecks, intimidants mais gentils comme des cœurs, voient des adolescents débarquer à côté de chez eux et les prendre très vite pour la version Texas de La Colline a des Yeux. Et s’enchaînent les morts gags les plus iconiques du genre. Ou comme ils le diraient, « Out of nowhere, these kids started killing themselves all over my propriety ! »
Alors, arrêtons de tourner autour des pieds dans le plat, ce Handsome Guys se hisse très clairement à la hauteur du film originel. Tout y est. Les deux lourdauds gentils, les jeunes idiots aux relents sociopathes. Mais en plus, le remake a le bon goût d’ajouter des éléments de fantastique pour rendre le film encore meilleur. Ce Handsome Guys ne se contente pas de marcher dans les pas de son glorieux aîné, il y ajoute une pointe d’horreur et de gore à la mode Evil Dead et ça marche prodigieusement. On se marre du début à la fin et surtout on ne se prend jamais à faire la comparaison entre le remake et l’original. Et quel meilleur endroit que le BIFFF pour le voir. Juste parfait. O.E.
Animal attrapé pour le BIFFFODEX : Bonggu, le petit chien.

Vampire zombies…From Space ! : rien d’autre à ajouter
Quelle meilleure manière de clôturer ce BIFFF que par un film qui s’intitule Vampire zombies …from space ? La question est rhétorique bien entendu. C’est avec la larme à l’œil et le sourire aux lèvres qu’on se rendait à cette ultime séance de minuit. Mon dernier film du BIFFF 2025. Déjà. Mon corps ankylosé et mon foie aux abonnés absents me disent qu’il est temps de s’arrêter pour cette année. Mon cœur me hurle que j’aurais pas dit non à une troisième semaine. Durant cette édition du BIFFF, on a voyagé entre le bon, le très bon, l’absurde, l’oubliable et l’incroyable. Avec un supplément de qualité cette année qui se poursuivra, on l’espère, dans les prochaines années aussi. Et pour finir en beauté, on avait donc droit à la crème du nanard. Un Vampire Zombies…from Space qui a coûté 20.000€ à ses producteurs mais qui aurait pu en coûter 200€ au point où on en est. Tout est nanard. Les acteurs, le scénario, les effets spéciaux, l’histoire, les morts. Et malgré quelques longueurs qui ont failli avoir raison de notre éveil, on passe un excellent moment. Tout simplement parfait pour terminer ce BIFFF en beauté. Un BIFFF qui a encore fait la part belle à de magnifiques rencontres, à des moments de rire, d’émotion et d’amitié. Mais aussi et surtout à cet esprit atypique et frondeur qui fait la beauté du meilleur festival du monde. Alors on si dit à l’année prochaine mon BIFFF, je t’aime. O.E.
Animal attrapé pour le BIFFFODEX : un cananard.
Elodie Kempenaer, Loïc Smars, Matthieu Matthys et Olivier Eggermont