Titre : L’impératrice de Pierre
Auteur.ice : Kristina Sabaliauskaite
Edition : Folio
Date de parution : 10 octobre 2024
Genre du livre : Roman historique
Conter l’Histoire et plus particulièrement la vie des personnages qui l’ont façonnée est un exercice qui se révèle souvent périlleux, tant l’aura de ceux-ci peut être importante et y toucher, être considéré comme un geste politique et/ou diffamatoire. La plongée effectuée par l’autrice Lituanienne Kristina Sabaliauskaite via l’ouvrage L’impératrice de Pierre dans la vie de la future cour impériale de ce qui n’était alors que la Moscovie, et, via son héroïne, la vie du tsar Pierre Ier, premier édificateur de l’empire russe entre définitivement dans cette catégorie de récit.
1727. Allongée sur son lit de mort, les yeux rivés sur les dorures qu’elle aperçoit au plafond à travers le baldaquin, la première impératrice de Russie crache du sang et sent ses forces l’abandonner. Guettant les battements de l’horloge qui la rapprochent de sa fin, elle se remémore la jeune fille qu’elle était et que rien ne prédestinait à prendre la tête d’un empire.
Si la découverte du passionnant destin de cette orpheline lituanienne devenue après une vie de tensions, d’intrigues et de troubles la femme la plus puissante de Russie est déjà en soi digne d’intérêt, l’histoire officielle omettant souvent de mentionner l’origine des protagonistes lorsqu’elle ne cadre par avec le récit national, ce n’est pas la seule thématique intéressante de ce roman.
Un monde de violence
En effet, et même si cela est dû en partie à l’époque et aux mœurs de la classe dirigeante qui méprisait tout ce qui était étranger à elle-même, on est parfois choqué par rapport à la violence du récit, violence verbale – l’argot russe actuel est encore à notre époque un univers en soi, extrêmement violent et discriminant le monde entre ses locuteurs et les autres – mais surtout physique. On ne peut que remettre en cause dès lors le caractère noble de cette classe qui n’a souvent obtenu ses privilèges qu’en massacrant les armées et populations civiles ennemies sur les champs de bataille.
Une vision qui perdure
Violence et mépris des populations qui ont également été la règle lors de l’édification de Saint-Pétersbourg, capitale de la Russie tsariste qui s’est construite au prix de milliers de morts, et qui malheureusement, n’a fait que perdurer depuis, que l’on pense aux millions de personnes enfermées dans les goulags qui ont servi de main-d’œuvre pour les grands chantiers de l’ère soviétique ou les travailleurs clandestins venus des ex-républiques soviétiques d’Asie centrale qui travaillent à présent jour et nuit pour réaliser les rêves de grandeur des dirigeants actuels, s’ils ne sont pas forcés à s’engager pour grossir les rangs de l’agression russe en Ukraine.
L’impératrice de Pierre n’est pas seulement le récit d’une orpheline lituanienne arrivée au somment de l’Etat, mais également celui de la construction d’un empire, d’un village Potemkine aussi vaste qu’un continent qui a toujours voulu se parer des vertus de la rationalité, de la science et de l’ordre venu de l’Ouest, alors qu’elle bataillait – et le fait sans doute encore – pour enlever par la force les coutumes anciennes dont elle avait honte. Un récit de violence qui perdure encore de nos jours.