Alors qu’elle cartonne dans son second spectacle « Senk », nous avons rencontré l’humoriste Laura Calu.

Vous avez commencé il y a près de dix ans sur les réseaux sociaux et aujourd’hui, vous présentez Senk. Comment êtes-vous arrivée jusque-là ?
À 18 ans, j’ai abandonné le lycée et je suis montée à Paris pour prendre des cours de théâtre. J’ai eu la chance d’avoir une mère qui m’a toujours soutenue, mais qui ne pouvait pas me soutenir financièrement. Donc je me suis débrouillée. J’ai passé des castings, mais ça ne marchait pas.
Je n’avais pas d’argent, mais je devais manger. À l’époque, j’étais en relation avec un ex qui m’empêchait vraiment d’avancer. J’ai donc tout arrêté pendant un temps. J’ai travaillé ensuite à la télévision en tant que chargée de casting. Mais j’avais trop besoin d’exercer ma passion. J’ai quitté la télé pour bosser au parc Astérix en tant que comédienne. Ça a été les trois plus belles années de ma vie. Comme je voulais vraiment me lancer dans l’humour, j’ai commencé à faire des vidéos en parallèle. Je me disais que si ça marchait, ça me permettrait de me constituer une base, de m’entrainer et de trouver mon style. Et ça a fonctionné. Quelques années plus tard, j’ai rencontré Arthur Chevalier, mon metteur en scène, mari et producteur du spectacle avec moi. J’ai lancé mon premier spectacle puis mon second Senk.
Les réseaux sociaux étaient donc un tremplin ?
Cela a été à la fois un tremplin et un poids pour moi. J’arrive sur les réseaux à une époque où il n’y a pas encore grand monde [en 2015 NDLR]. J’ai fait beaucoup de trucs sur les réseaux que je regrette aujourd’hui, parce que tout va trop vite. Il y a beaucoup de choses pour lesquelles j’étais précurseuse et dont je me moque à présent. Aujourd’hui, je trouve ça ridicule de pleurer devant une caméra en parlant de ses problèmes… mais en même temps, tout ça m’a servi de tremplin. Je dis donc aux gens de venir me voir sur scène parce que là je me retrouve dans mon vrai métier, comme il doit être exercé. Loin des réseaux, des filtres, de la censure, de l’hypocrisie que je déteste. Je suis beaucoup trop sincère.
Vous avez aussi fait une incursion dans Scènes de ménages… Aimeriez-vous revenir au cinéma ou à la télévision ?
J’ai détesté cette expérience. Ça m’embête d’être aujourd’hui associée à ce genre de production alors que j’avais déjà une carrière avant ça. C’est dur d’être rattachée à ce microrôle de cagole qui ne me ressemble pas du tout.
Sans forcément passer par de gros médias comme M6 ou TF1 je suis assez fière de parvenir à remplir des salles.
Je suis actuellement en train d’écrire un film. On a tendance à croire qu’on ne m’invite pas ou qu’on ne me propose pas de choses. C’est surtout qu’on ne me propose pas des choses qui m’intéressent. J’essaie de me concentrer sur des projets qui me font vraiment vibrer parce que j’ai pris conscience que je voulais kiffer. Si je remplis des petites salles toute ma vie, c’est très bien aussi, car je mets à l’abri toute ma famille et je suis en paix avec mes valeurs et mes convictions. Donc ça me va.
Dès vos premières vidéos, on sent un certain engagement, notamment féministe. Comment est venue chez vous cette prise de conscience ?
Je ne suis pas sortie du ventre de ma mère en lui disant « les femmes, c’est super important et t’es une reine OK ? » (rires)
J’ai toujours été une gamine qui réfléchissait à côté, qui voyait ce que d’autres ne voyaient pas. Évidemment je ne suis pas la seule !
J’ai changé avec le temps, je mature. Il y a des choses que j’ai faites, comme le hastag #Objectifbikinifermetagueule en 2019 et que je trouve aujourd’hui ridicule. J’apprends de mes erreurs. Je n’ai absolument aucune confiance en moi, mais du coup je me remets énormément en question et j’accepte de me tromper parfois.
Les humoristes féminines sont de plus en plus visibles. Existe-t-il une forme de sororité au sein de la communauté ?
Je défendrai toujours une femme si c’est légitime, mais il y a énormément d’hypocrisie autour du féminisme sur les réseaux sociaux. Il y a beaucoup d’artistes et d’influenceuses qui surfent sur une vague par pur marketing. Mais quand on les connait, elles sont anti-sororité, elles crachent sur tout le monde, sur leurs équipes. Il y a beaucoup de femmes que l’on suit sur les réseaux, lanceuses de mouvement qui sont des icônes féministes aujourd’hui, mais qui ne le sont pas du tout dans la réalité.
Par contre, il y a vraiment des femmes formidables et bizarrement, ces personnes réellement engagées sont celles qu’on voit le moins. Il y a clairement beaucoup plus de femmes sur scène aujourd’hui et c’est le bon côté des choses. Avant il n’y avait que des connards, c’est bien qu’il y ait plus de connasses, ça s’équilibre et c’est plutôt bon signe finalement (rires).
Quand j’ai commencé dans les comedy clubs en 2017, il y avait une femme par plateau (quand il y en avait une). Avant de monter sur scène, on nous disait « tu vas bider parce que les femmes ne sont pas drôles » et je ne bidais pas, allez vous faire foutre, ça marchait bien !
Senk, ça veut dire quoi ?
Vous êtes obligée de venir voir le spectacle, car si je vous le révèle, c’est comme si je dévoilais le tueur dans un film policier.
Sur scène, vous êtes habillée en tenue de gladiateur. Pourquoi jouer sur cet univers ?
Les humoristes aujourd’hui qui font des blagues sur tout sont menacés. Leurs propos risquent d’être mal interprétés, car l’ironie, le premier et le second degré, qui servent à dénoncer, ne sont pas toujours bien compris. Je vois les humoristes comme des gladiateurs des temps modernes qui peuvent mourir à la moindre vanne mal interprétée ou même ratée.
On parlait tout à l’heure de se remettre en question, on ne nous laisse plus l’occasion de dire pardon, de nous planter. Mon métier, c’est de faire des vannes et d’en rater, ça peut arriver. Comme un mec qui fait des frites et qui rate sa cuisson, c’est pas pour autant qu’il va fermer son restaurant.
Parfois aller trop loin, c’est aussi notre métier. Ça me fait peur quand je vois les réactions face à Guillaume Meurice, Gaëtan Matis, Alexandra Pizzagali, Blanche Gardin. Qu’on aime ou pas les prises de position de Blanche Gardin, c’est son travail de faire ça. Et ça, ça me fait très peur. Ma sororité, elle est là. Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’elle défend, mais c’est une femme qui, aujourd’hui, est brulée comme une sorcière au Moyen-âge.
Laura Calu présentera son spectacle SENK le 6 juin 2025 au Forum de Liège
Crédits photos : Maxime Photographie