More

    Refuge, mais que feu-je sur cette terre ?

    Titre : Refuge
    Auteur.ice : Cécile Guillard
    Edition: Casterman
    Date de parution : 05 mars 2025
    Genre du livre : Roman graphique

    Juliette. Sa chevelure rousse au vent lui donne l’air d’une allumette qui s’embrase. Elle a le regard perdu dans le vide. Ou plutôt dans l’immensité du brasier. Les montagnes rougies par le feu ont des airs de volcan. Elles suffoquent dans un épais nuage noir. En fait, c’est la région entière qui se retrouve en proie aux flammes. Même les villes sont concernées. Juliette, comme tous les citadins, est obligée de fuir. Fuir vers une nature qui n’est pas encore réduite en cendres. Dans sa course, Juliette rencontre Léo avec qui elle s’abrite dans un refuge de fortune. Les deux aventuriers livrés à eux-mêmes, fragilisés par la puissance de la nature, se rendent, alors, compte de la vacuité de leur existence. En fait, c’est en découvrant une parcelle d’oxygène qu’ils prennent conscience que leur quotidien les asphyxie. Un emploi dans un call center. La perte imminente de l’usage de sa main droite, pour Juliette. Des existences régulées, mais qui manquent de sens.

    Comme en témoigne l’ambiance de Refuge, le feu est métaphorique. Il est symbole de renouveau. À l’image des bonfires américains, ou feux de joie – durant lesquels sont brûlés les déchets et qui donnent lieu à de grandes célébrations. Et d’un point de vue moins optimiste, il évoque l’enfer dans lequel grillent les damnés. Le feu de la couleur du sang, rappelle aussi bien la dimension sacrificielle de certains mythes que ses valeurs purifiantes. Les flammes offrent symboliquement l’occasion aux personnages de renaître de leurs cendres. De communier avec leur feu intérieur. Juliette et Léo trouvent dans ce nouveau refuge, un havre de paix qui leur ouvre la voie vers d’autres vies possibles. Des vies loin de l’agitation citadine. Loin de l’anxiété. Loin de l’étouffement.

    Le feu est graphique. Il noie les planches de Cécile Guillard dans un torrent de fumée. Dans une mer sanguinolente, embrasée de rouge, de jaune et de violet. Parfois, les couleurs se refroidissent pour marquer le répit que peut leur laisser le climat. Mais souvent, tout brûle. Y compris les personnages qui cheminent le paysage dans une attitude sans consistance. Comme si leur corps avait la forme de volutes. Comme si leur corps s’échappait du brasier. Des ombres affolantes et affolées se dressent sur les parois. Les murs. Les routes. Cécile Guillard fait feu de tout bois pour montrer l’altération et l’explosion du paysage. Et elle a raison. Avec une histoire assez consensuelle sur le fond, son univers graphique enflammé représente clairement son meilleur atout.

    Le feu est politique. Celui qui ravage les forêts californiennes et australiennes n’est plus seulement l’acteur de mauvaises fictions apocalyptiques. Le scénario de Cécile Guillard est plausible. Il a fait la une des dernière saisons estivales. Et tout le monde sait qu’il est le signal d’un changement nécessaire. D’une mise au vert. Comme le proposent Léo et Juliette. Nous sommes les pyromanes. Nous avons allumé les braises avec lesquelles nous nous sommes brûlé les ailes. Mais Refuge n’est pas un ouvrage moralisateur ou défaitiste. Au contraire. Il souffle un vent d’espoir qui indique qu’une prise de conscience est peut-être possible. Et qu’à l’échelle individuelle, elle est déjà nécessaire.

    Derniers Articles

    Titre : RefugeAuteur.ice : Cécile GuillardEdition: CastermanDate de parution : 05 mars 2025Genre du livre : Roman graphique Juliette. Sa chevelure rousse au vent lui donne l’air d’une allumette qui s’embrase. Elle a le regard perdu dans le vide. Ou plutôt dans l’immensité du brasier. Les montagnes...Refuge, mais que feu-je sur cette terre ?