Quand on arrive en seconde semaine du BIFFF, on commence à ressentir la fatigue, mais aussi une inspiration qui parfois vacille légèrement pour traiter des nombreux films que nous devons chroniquer. Heureusement, le BIFFF est une source inépuisable d’inspiration pour nous permettre de retomber sur nos pattes. Et cette septième journée n’aura pas fait exception à la règle. Car comme le disait, en ne préjugeant point de sa sage verve, le philosophe et zoologue Lao Tsmars : ne cherche pas dans l’expiration la réponse à l’inspiration que tu viens de prendre.

Customs Frontline : la chronique méchante d’un film gentil
Les gentils sont gentils, les méchants sont méchants. Faire du trafic d’armes, c’est méchant. Attraper les méchants qui font du trafic d’armes, c’est gentil. Voilà, c’est à peu près tout ce qu’il y a à dire sur Customs Frontline qui est au cinéma ce que la tiédeur est à une relation : on se fait chier. Je pourrais rentrer dans des propos plus polémiques comme « La Chine protège l’ordre mondial, et en particulier le continent africain, des déstabilisations venues d’occidents grâce à sa douane de super-héros qui empêche les méchants occidentaux de vendre des armes méchantes ». Mais la politique c’est pas trop mon truc donc je vais rester loin de tout ça.
Ainsi, pour justifier l’obtention toujours miraculeuse de nos pass presse pour le BIFFF (vu le monceau de conneries que nous racontons dans nos chroniques), je continuerai avec quelques tautologies dignes de Customs Frontline :
- Quand il pleut, il ne fait pas sec.
- S’il n’avait pas perdu, il aurait gagné.
- Un carré, c’est un rectangle avec quatre côtés égaux.
- On ne peut pas tout avoir, surtout ce qu’on n’a pas.
- Un silence, c’est quand personne ne parle.
- Un absent, c’est quelqu’un qui n’est pas là.
- Un adulte, c’est un enfant qui a grandi.
- Les morts ne sont plus vivants.
- Un jour sans soleil, c’est un jour nuageux.
- Un secret, c’est secret, parce qu’on ne le dit pas.
- Les menteurs mentent, mais pas toujours la vérité. O.E.
Animal attrapé pour le BIFFFODEX : un hélicoptère d’attaque CAIC WZ-10 troisième génération.

Wet Monday : Jebac patriarchat
Ça y est. Le moment est venu. Je prends mon courage à deux mains dans le sac et je me dirige vers le Ciné 2. Une bouffée de vent légère me caresse le visage et me rappelle la fraîcheur passée d’un printemps ensoleillé qui a été, mais ne sera plus. Soudain, le soleil surgit, illuminant aux yeux de tous la réalité glaciale mais néanmoins inévitable que je m’échine à taire : je vais vivre mon premier Silent Screening au BIFFF. Celles et ceux qui me connaissent et qui ont déjà vécu un film au BIFFF avec moi le sachent : je suis un animal. Je beugle, j’insulte, je désacralise, je bordélise. C’est donc dire si je redoutais ce moment où je serais interdit d’ouvrir ma gueule pour dire une connerie. Ce qui a toujours été ma marque de fabrique, au BIFFF comme dans la vie. Le moment est venu. J’entre dans la salle, presque vide. Même Stéphane paraît normal sans les vociférations d’un public aussi fantastique que son festival. Pas de générique d’intro. La tentation serait trop grande, ils ont bien fait.
Et puis, vient ce Wet Monday. Pour être honnête avec vous, j’avais prévu de noter toutes les interactions et vannes que je n’ai pas pu faire pour vous les ressortir dans ma chronique. Mais force est de constater que tout ce que j’aurais pu dire m’aurait valu une interdiction à vie du BIFFF ou un passage en prison. Parce que Wet Monday, c’est un film à la fois innocent et malsain. Ou comment traiter un traumatisme vécu dans les yeux d’une adolescente qui l’a refoulé. Il faut dire que rien ne l’incite à en parler ouvertement. Son entourage réac’ à souhait, ses amis plus intéressés par des banalités, ni même sa sœur et meilleure amie qui lui conseille de se taire et de subir. Seule la weirdo du coin l’écoute vraiment, la comprend et l’aide même à aller de l’avant.
Je ne vais pas vous mentir, la réalisation de Justyna Mytnik n’est pas le genre de film qu’on a l’habitude de voir au BIFFF. Véritable drame social polonais, il traite de sujets capitaux dans notre société d’une manière à la fois douce mais aussi implacable. Au final, on en ressort touché, forcément dérangé, mais surtout heureux qu’il n’y ait pas eu un gros lourdaud pour crier des conneries pendant le film. Bref, c’était mon premier Silent Screening. O.E.
Animal attrapé pour le BIFFFODEX : un lièvre à déguster en civet.

The Ugly Stepsister, le conte de la laideronne
Il était une fois, dans un royaume que l’on disait baigné par les brumes du Nord, une jeune fille de noble extraction, mais d’humeur fort peu industrieuse. La demoiselle, que l’on nommait familièrement Cendrillon, n’avait cure des tâches domestiques, préférant badiner au fond de l’étable avec un jeune palefrenier au sexe avantageux, dont le nom s’est perdu dans les limbes de l’Histoire – car qui se soucie du prénom des gens de basse condition ?
Sa belle-mère, dame sévère au regard de rapace et au corset criblé de dettes, n’était point charmée par les frasques de sa bru. Son espoir – qui reposait sur les fonds princiers promis à la future épouse du bien-nommé – se reporta bientôt sur Elvira, l’autre fille de la maison, que la chronique a retenue sous le sobriquet de la laideronne.
Elvira, tout en vilainie et en ambition, se mit en tête de séduire le Prince. Pour mieux plaire à Sa Majesté, Elvira se lança dans une entreprise esthétique des plus périlleuses : elle se fit charcuter, étirer, remodeler par le médecin-boucher de la cour. Le bal royal tourna ainsi au sabbat démoniaque : le visage suintait, la crinière s’échevelait, les os craquaient et les entrailles se congédiaient de leur hôte. Le tout sous les yeux d’un public médusé, pris entre le rire et la nausée.
Mais que l’on ne s’y trompe point : sous cette farce macabre se cache une œuvre d’une rare intelligence, née de l’esprit vif et tranchant d’une dame nommée Emilie Blichfeldt. Avec une main ferme et un esprit folâtre, elle a cousu un conte de fée à même la chair, où chaque point de suture murmure une morale acerbe sur les miroirs menteurs, les regards inquisiteurs et les femmes qui s’y perdent.
Et si l’on en croit les gazettes, cette fantasmagorie fit tourner les têtes jusqu’au royaume de Sundance, où certains sujets, plus sensibles que d’autres, rendirent tripaille et dignité à la sortie de la salle. M.M.
Animaux attrapés pour le BIFFFODEX : un ver de décomposition, un ver à soie, un ver solitaire, une pantoufle de vair, un verre à vin, une critique en vers, un colvert et le pull vert de mon voisin.

Don’t Leave The Kids Alone, ou comment mes enfants ne reverront plus jamais la lumière du salon !
C’est en laissant mes deux gamins sans surveillance à la maison que je me suis rendu au BIFFF pour aller voir Don’t Leave The Kids Alone. Et oui, le journalisme gonzo, c’est ça, vivre pleinement le moment. Et il faut bien avouer que le long métrage d’Emilio Portes m’a conforté dans l’idée que, oui, les enfants sont possédés et que les enfermer dans une cave, c’est pas grave quoi.
Huis clos psychologique aussi dérangeant qu’efficace, où l’enfance devient le théâtre d’une violence inouïe, Don’t Leave The Kids Alone transforme les jeux enfantins en affrontements cruels et met en lumière une violence psychologique rarement explorée (du moins dans les films que je regarde en dehors du BIFFF). Peut-on se suicider pour laisser le poids de la culpabilité sur les épaules de son frère ? Très bonne question qu’on ne se pose pas assez finalement ! M.M.
Animal attrapé pour le BIFFFODEX : une tortu(r)e.
Matthieu Matthys et Olivier Eggermont